Les TAD Reference One et Compact Reference One à l’écoute

TAD

Si les colonnes Evolution One peuvent porter fièrement le nom de TAD, il suffit d’écouter quelques minutes les Compact Reference One pour comprendre qu’il s’agit encore d’une autre histoire.

C’est d’ailleurs en les découvrant au CES de Las Vegas en 2009, présentées par leur papa en personne, que je suis tombé pour la première fois sous le charme de la marque. À l’époque, j’avais été sidéré par leur capacité à matérialiser la musique devant les auditeurs, une bonne vingtaine de personnes collées devant les enceintes, hypnotisées par une restitution d’une richesse tonale rare, quasiment dénuée de directivité, obtenue il est vrai à partir de fichiers master 24 bits – 96 kHz. Depuis, j’attendais avec impatience de les redécouvrir tranquillement dans de bonnes conditions sur mes disques de référence. Une longue écoute partagée entre l’ASR Emitter 2 et un ensemble préampli TAD C-2000 – utilisé également en tant que convertisseur à la sortie du MSB Drive IV – et ampli stéréo TAD M-2500 me donnait l’occasion d’explorer enfin l’intégralité de leur potentiel et d’en tomber une nouvelle fois amoureux !

Certes, elles valent significativement plus cher que leur « petite » sœur Evolution One, mais la restitution exceptionnelle qu’elles peuvent mettre en place devant moi, à la fois sensible, homogène et holographique, mérite à mes oreilles enthousiastes tous les sacrifices qu’il faudra consentir pour y accéder ! Ma première écoute, sur le concerto pour piano et orchestre n° 2 de Chopin, par Krystian Zimerman, est tout simplement magique ! Bien que plus compact que les Evolution One, les Compact Reference One parviennent à mettre en place une scène sonore qui oublie un peu plus encore les enceintes en s’imposant au-delà du triangle stéréophonique que ces dernières forment avec l’auditeur. Superbement homogène, cette écoute constitue un espace défini devant soi dans lequel on s’invite avec délectation. La mise en espace du piano devant l’orchestre, les différents pupitres, et surtout cette liquidité infinie sur les doigts de l’artiste sur le clavier mettent immédiatement en contact avec l’émotion de l’interprétation. On a donc franchi un palier supplémentaire autant en matière de timbres que de microdynamique. Les CR1 ne descendent pas tout à fait aussi bas que leurs petites sœurs plus dodues, mais l’énergie parfaitement cohérente qu’elles délivrent sur l’ensemble du spectre ne laissera personne frustré, même sur une musique particulièrement roborative.

Avec l’ensemble TAD – qui démontre au passage des qualités tout aussi remarquables – les CR1 se donnent de manière réjouissante sur l’album de Brian Eno. La batterie de Seb Rocheford sur les deux premiers morceaux me fait jubiler sur mon siège ! Une fois encore, malgré les effets spatiaux des samples et des claviers, parfaitement retranscrits, c’est l’homogénéité – puisqu’il est difficile ici de parler de « naturel » – de la restitution qui me frappe au cœur. Sur le Live à FIP d’Eric Bibb, l’auditeur se retrouve embarqué dans la musique sans se poser de question. Les oreilles ont tout ce qui leur faut pour matérialiser la scène devant l’auditeur qui peut se laisser aller à l’émotion, même lors d’une écoute que l’on voudrait critique et objective ! Tour à tour délicates et percussives sur le Piano de Bojan Z, jamais agressives ou projetée, même à fort niveau, tout en démontrant une transparence rare au message, les TAD Compact Reference One sont de grandes enceintes qui peuvent en remontrer sans rougir à bien des modèles plus encombrants – et même plus cher encore. Leur taille se révèle même un avantage, car on les imagine entrer facilement dans une pièce de vie pour s’imposer comme un vecteur musical sans compromis. Leur transparence et leur capacité à mettre en scène chaque album permet d’envisager de longues années de plaisir sans lassitude que ce soit sur un petit ensemble baroque ou sur une grande formation orchestrale, avec ce naturel et cette fluidité à bas comme à haut niveau qui favorisent la polyvalence musicale, sans rien cacher pour autant des qualités et des défauts de la production.

Du coup, en découvrant les Reference One dans le grand auditorium dans lequel elles sont installées avec soin, on en viendrait presque à se demander si de tels monuments présentent un intérêt pour un particulier…  La même question peut sans doute être posée à propos de celui qui peut s’offrir une Ferrari ou une Lamborghini : à quoi ça sert ? C’est une question rhétorique, bien sûr, tant que l’on n’en a pas conduit une dans de bonnes conditions, et c’est exactement la même chose avec les TAD Reference One. La première fois que je les ai entendues au CES de Las Vegas, pourtant associées à un système complet EMM Labs, je les avais trouvées moins convaincantes que les CR1 installées à quelques mètres de là dans une autre pièce. Depuis, j’ai eu un premier aperçu de leur vrai potentiel en les écoutant rapidement dans la cabine de mastering des Air Studio à Londres, mais c’est la première fois que je me retrouve seul en tête à tête avec elles pendant plusieurs heures dans un environnement capable d’accueillir leurs formes généreuses.

Source-TAD-REF

Pour les mettre en valeur, un transport dématérialisé Aurender S10 confie sa sortie AES-EBU à un convertisseur MSB DAC IV Diamond muni de l’horloge de fou Femtoclock du constructeur californien. L’ensemble coûte un bras, voire les deux ! mais constitue pour moi l’une des meilleures sources numériques disponibles sur le marché, si ce n’est la meilleure, lorsqu’elle est branchée directement, comme ici, au bloc de puissance. Une expérience que j’avais menée sur le Karan KAS 450 de la rédaction qui m’avait ouvert les yeux sur la possibilité de se passer de préampli quand le volume variable du convertisseur N/A est traité comme il se doit, en analogique, par des composants de haute qualité. Une manière intelligente de raccourcir le trajet du signal et d’éviter les problèmes d’impédances inhérents aux liaisons. Entre les enceintes, on a placé l’amplificateur Viola Bravo II et son alimentation séparée de taille identique : du lourd, au propre comme au figuré, capable de délivrer 350 watts sous 8 Ω par canal et près du double sous 4 Ω, avec une réponse en fréquence étendue de 10 Hz à 100 kHz à − 3 dB. 96 kg d’électroniques prestigieuses qui devraient tirer le meilleur des Reference One. De toute façon, à la découverte de leur pouvoir de résolution, on comprend tout de suite qu’elles n’accepteront rien moins que le top pour les accompagner… Avec elles on a l’impression d’aller chercher la moindre information délivrée pour l’intégrer dans un tout à échelle 1 !

TAD-R1-Gen

Les Reference One, c’est ça : l’impression rare, surtout lorsque l’on a du recul, d’assister à un spectacle à l’échelle du réel. Du coup, alors que j’étais resté sur l’enthousiasme éprouvé à l’écoute du deuxième concerto pour piano et orchestre de Chopin sur les CR1, je reste interloqué par l’émotion qui me submerge en le découvrant de nouveau sur les R1. Les Reference One sont des enceintes extraordinaires, tant au niveau de la qualité des timbres que des écarts dynamiques qu’elles peuvent reproduire apparemment sans effort, pour marquer avec une élégance inouïe les nuances du jeu de Krystian Zimerman sur son piano, et les mouvements de l’orchestre qui l’accompagne. On retrouve les qualités de la CR1, trait pour trait, mais cette capacité à imposer une scène sonore grandeur nature totalement homogène sur l’ensemble du spectre sans perdre en subtilité et en fluidité est rarissime à mes oreilles. Bien sûr, on pourra toujours rétorquer que c’est la moindre des choses, vu les moyens déployés, mais j’ai rencontré nombre de ses concurrentes moins convaincantes sur ce critère, même lorsqu’elles étaient accompagnées de l’artillerie lourde.

Le choix des enceintes est généralement un compromis dicté par une question de goût. C’est la priorité donnée plus ou moins consciemment à un critère particulier de la restitution qui nous pousse à préférer le son JBL, B&W, KEF, Focal, Dynaudio, ProAc, etc. Mais avec la Reference One, on se trouve au point de convergence de tellement de qualités objectives qu’il est bien difficile de ne pas rester impressionné par l’expérience qu’elles proposent. Dans le haut du spectre, le coaxial fait son office de metteur en espace, mais il est ici sous-tendu par un tel niveau d’énergie contrôlé que chaque protagoniste prend une dimension presque palpable dont on détermine la taille d’un coup de télécommande. Comme sur les meilleurs systèmes qu’il m’a été donné d’écouter, le volume sert ainsi à déterminer sa place dans la salle, jusqu’à se retrouver pratiquement devant la scène sur le live d’Eric Bibb, ou devant le piano de Bojan Z. Bien entendu, les R1 profitent du bel espace qui les reçoit pour développer une image sonore d’un réalisme hallucinant. Ici encore, l’absence de distorsion amène à jouer fort assez facilement, pour profiter de cette sensation de présence, de proximité jouissive avec les musiciens et avec le son. Sur le disque de Brian Eno, les TAD laissent passer toute l’énergie, tout en restant parfaitement liquides, même dans le haut du spectre. Le Bass-reflex placé en bas de l’enceinte a fait l’objet d’une étude aérodynamique qui le rend effectivement muet, même sous forte contrainte. Le bas du spectre est vraiment superbe ! Il ne joue pas tant sur la rapidité que sur sa parfaite intégration au reste de la bande passante, dessinant la caisse d’une contrebasse ou d’un piano dans l’espace, sans pour autant se montrer analytique. Sur un clavier, une grosse caisse ou tous instruments électrifiés, elles imposent aussi la pression acoustique que l’on attend d’un tel ensemble, avec une profondeur et une détermination jouissive que seuls des transducteurs de ce gabarit sont capables de rendre à leur juste mesure.

Dans un environnement comme celui qui nous accueille, les R1 semblent donc s’épanouir à leur aise, et, si leur qualité de timbres et leur transparence méritent d’être soulignées, c’est leur musicalité qui finit de convaincre l’auditeur. Fondamentalement honnêtes, elles semblent faire tout leur possible pour rendre l’information disponible aussi lisible qu’elle peut l’être. C’est une grande qualité, car cela signifie que si un album à la production un peu laborieuse contient tout de même des morceaux de vraie musique, elles parviendront à les extraire de la médiocrité technique pour nous mettre en contact avec l’intention des musiciens. Sans rien cacher, les Reference One sont donc plutôt bonne pâte que méchantes. Sans jamais paraître épaisses, tant elles savent se montrer ouvertes, voire aériennes, sur une voix comme sur une grande masse orchestrale qui décolle, elles ont une manière plus analogique que numérique de reproduire la dynamique de la musique. Quelque chose de délicat et de raffiné qui peut se transformer en maelström d’une seconde à l’autre, lorsque la section cuivre et d’un bigbang vient appuyer les folies d’un batteur… Du grand art !

En conclusion

Évacuons tout de suite la question de l’argent : les TAD Reference, compactes ou pas, sont des enceintes hors de prix qui ne cherchent en aucun cas à répondre à un compromis économique ou marketing, mais plutôt à une quête d’absolu sonore, comme les plus pointus des artisans du high-end auxquels nous sommes plus habitués. En réalité, TAD propose son expertise en deux tailles, pour s’adapter à tous les environnements ou presque ! C’est vrai : Les Reference se montrent exigeantes envers tous les éléments qui leur sont associés, mais c’est le prix à payer pour la transparence, et ce qu’elles imposent est pour le bien de nos oreilles ! La « petite » CR1 est une bombe dans son genre, à la fois magnifiquement homogène et résolue, tour à tour liquide et dynamique au cœur d’une mise en espace 3D somptueuse, à faible comme à fort niveau. Du grand art, que l’on voudrait seulement plus accessible pour pouvoir se les offrir. Avec les Reference One, c’est encore une autre histoire ! Une sorte de projecteur holographique à taille réelle, dénué de toute limitation propre, qui met en contact avec la musique comme peu d’autres transducteurs savent le faire. Une capacité à la nuance quasi magique, et une qualité de timbres qui réconciliera les amateurs de baroque ou de bel canto avec ceux qui préfèrent une musique électronique travaillée plus contemporaine. Deux monuments totalement déraisonnables que l’on aimerait tellement avoir la place et les moyens d’accueillir chez soi… Il faut bien rêver un peu !