Rousset/Donzelague : la rencontre

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Quand un chef d’orchestre profondément attaché à son instrument rencontre un clavecin absolument mythique, cela donne naissance à un disque hors normes où la maîtrise de l’un permet d’exploiter les subtiles arcanes de l’autre. Une véritable fusion artistique.

MARCHAND (1669-1762) – RAMEAU (1683 – 1764) – Christophe Rousset – clavecin Donzelague (1716) – Ambronay

Avant d’être un chef reconnu et respecté, Christophe Rousset est un remarquable claveciniste, érudit et passionné. Aussi, lorsqu’en Février 2011, en visite au Musée des Arts Décoratifs de Lyon, il tombe sur le fameux clavecin que Donzelague réalisa en 1716, il décide d’en faire un disque. Conservé à la perfection, l’instrument dévoile cinq octaves d’une sonorité exceptionnelle.

Pour illustrer les différentes facettes de l’instrument, Christophe Rousset réunit Louis Marchand et Jean-Philippe Rameau, deux virtuoses qui éblouirent Paris. Si le premier offre selon lui « une profusion d’ornements qui enrichit considérablement la tenue du son et exploite le registre médium-grave de façon à le rapprocher du théorbe ou de la basse de viole », le second « impose sa nouvelle et révolutionnaire conception de la musique. Tout y respire l’harmonie. Le discours y est toujours d’une clarté voulue, préférant la transparence aux effets ronflants d’un clavecin plus sensuel ».

L’analyse de l’interprète est étonnamment juste et se ressent très nettement à l’écoute. Les vingt premières plages dénotent la philosophie de Marchand, avec un jeu plus mat, plus dense. Quant aux dix suivantes, celles de Rameau, elles laissent perler la lumière éclatante de ces accords virtuoses.

Et si nous percevons aussi bien toutes ces subtilités, la qualité de l’enregistrement y est pour beaucoup. Pour la circonstance, c’est Nicolas Bartholomée qui est aux manettes, un grand monsieur de la console, que l’on ne présente plus. Effectuée en trois jours au Musée des Arts Décoratifs de Lyon, la prise de son est un modèle d’épure et de finesse, mais ne brade jamais pour autant la sensation de matière et l’épaisseur qui fait très souvent défaut aux enregistrements de clavecin. Ce disque sonne remarquablement bien, mais il est terriblement capable de mettre en évidence les carences de votre installation en termes d’homogénéité spectrale et de richesse harmonique. Si le résultat n’est pas naturel, n’incriminez pas le disque, mais songez à optimiser votre installation. À cet égard, ce disque est une loupe !