Test : enceintes Harbeth Super HL5

Harbeth

par Antoine Gresland

Prix : 3 200 euros la paire en cherry
Pieds Skylan SKY 4P24 : 659 euros la paire
Interfaces Q-BRICKS : 120 euros les 8
Durée du test : six semaines

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Pour un amateur de transparence et de haute fidélité, il est toujours tentant d’aller voir ce qui se passe du côté des enceintes de monitoring. Après tout, bon nombre de constructeurs prestigieux ont commencé par là et y reviennent régulièrement pour asseoir leur légitimité technique. En ce qui concerne Harbeth, la question ne se pose même pas, puisque son fondateur, Dudley Harwood (le « HAR » de Harbeth, le « BETH » étant le diminutif d’Elizabeth, le prénom de sa femme) fut le chef du bureau d’études de la BBC et l’un des ingénieurs les plus réputés de sa génération. À cette époque, dans les années 1970, il participa activement au travail de recherches financé par des fonds publics de la BBC qui devait déboucher, entre autres, sur le cahier des charges et la création de la fameuse LS3/5A, dont la Harbeth P3ESR (lire le test), que nous avons tant appréciée voici quelques mois est l’héritière légitime. On lui doit aussi la première enceinte à utiliser un cône en polypropylène, la Harbeth HL MK1. Un monitor qui reprenait les proportions et le volume (deux pieds cubes) d’un autre cahier des charges BBC : la LS3/6, dont la Harbeth Super HL5, que nous testons ici, est la descendante directe.

Technique : cent fois remettre son travail sur l’établi !

C’est donc aux données techniques d’une enceinte conçue voici plus de trente ans que l’on doit les formes « basiques » de la Harbeth Super HL5, son ébénisterie constituée de parois minces (typiquement 12 mm) méticuleusement mais modestement amorties, et ses deux faces vissées. Une architecture qui pourra paraître simpliste comparée aux solutions utilisées par bon nombre d’enceintes modernes pour approcher la rigidité et la neutralité idéale du coffret… Les ingénieurs de Harbeth vous répondront que leurs enceintes emploient les mêmes techniques de construction que les instruments de musique et que l’assemblage de la caisse d’une Harbeth est plus difficile et plus cher à réaliser que celle d’une enceinte « d’un seul tenant ». Ils vous expliqueront que rien n’est anodin dans le choix des matériaux et de l’amortissement utilisés et que leurs solutions permettent d’absorber et de diffracter de manière optimale la pression indésirable créée par le va-et-vient du haut-parleur de grave pour libérer le médium et laisser la musique coulée de l’enceinte dans la pièce… Forcément alléchant !

Harbeth-HL5-Plus-HPEn matière de haut-parleurs, la Super HL5 utilise une solution peu courante, combinant un tweeter à dôme aluminium SEAS de 25 mm et un super-tweeter en titane de 20 mm associé à médium grave de 200 mm en bass-reflex qui est la signature du constructeur britannique. Ce haut-parleur, fabriqué à la main et à la maison (en Angleterre) utilise un cône en Radial 2, un matériau exclusif, développé en interne pour retenir les qualités du polypropylène tout en évitant sa coloration, afin d’obtenir le maximum de précision et de neutralité dans le médium. Ici encore, on est loin des concepts marketing des grands constructeurs, ce qui est normal, vu que Harbeth n’a jamais dépassé le stade d’une petite structure proche de l’artisanat ! Mais ne vous y trompez pas : si vous lisez l’anglais, vous pourrez découvrir sur le site du constructeur les nombreuses études qui ont été nécessaires pour parvenir à ce matériau, et le soin qui est apporté à l’assemblage du haut-parleur qui va avec l’enceinte.

Au-delà de ses transducteurs et de sa formule BBC, c’est dans le domaine du filtrage que Harbeth compte faire la différence. De longues heures de mise au point et l’expérience extensive de quelques oreilles affutées ont été nécessaires pour rendre inaudible la transition entre les différents haut-parleurs. Pour complexe qu’il soit, et malgré un rendement très moyen de 86 dB/1 W/1 m, le filtre des Super HL5 a été conçu pour offrir une impédance de 6 Ω et une charge facile à driver par l’amplificateur. On pourra donc profiter de ses qualités avec une trentaine de watts, pour peu que l’amplificateur fournisse tout de même un peu de courant… Je pense notamment à un ampli intégré en classe A comme le Sugden Masterclass iA4, voire l’A21SE moins ambitieux. Mais je suis sûr que, dans un tout autre genre, un intégré à tubes de la trempe de l’Air Tight ATM1 les ferait très bien chanter. Comme elles acceptent très bien la puissance, je voudrais aussi les découvrir avec un Devialet D-Premier ou un Neodio NR1200 V2. Des appareils tous plus chers qu’une paire de Super HL5, mais nous verrons plus loin qu’elles le méritent amplement !

Harbeth-HL5-bornierLa Harbeth Super HL5 est bicablable, même si le constructeur continue à penser que cette pratique n’est pas forcément nécessaire pour tirer le meilleur parti de ses enceintes. Pour avoir pratiqué les deux, on en revient toujours à une question de qualité plutôt que de quantité !

Mise en œuvre

Les Harbeth Super HL5 sont faites pour être utilisées sur des pieds d’une bonne quarantaine de centimètres de haut, afin de mettre leur tweeter à hauteur d’écoute. La qualité de ces supports est essentielle pour exploiter leur potentiel, en offrant un découplage optimal de la caisse et une stabilité irréprochable.

Skylan-4p18Fort heureusement, il existe des modèles de pieds spécialement conçus pour les HL5. Pour ce test, je me suis laissé porter par le distributeur français qui conseille le modèle SKY 4P 18 du constructeur allemand Skylan, lequel fournit également le matériau de remplissage SKY Premium Fill en quantité adaptée, ainsi que l’interface de découplage Q-Bricks. L’ensemble revient à peu près à 900 euros, ce qui apparaît raisonnable compte tenu du résultat obtenu.

Ainsi gréées, les Harbeth se sont révélées plutôt faciles à placer dans la pièce, bien écartées des murs latéraux et du mur du fond, l’auditeur étant au sommet d’un triangle stéréophonique. Peu directives, on affinera la focalisation à l’oreille, sans qu’il soit besoin de trop les angler.

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Les Harbeth Super HL5 remplissent facilement une grande pièce et restent particulièrement agréables sur une écoute de proximité.

À l’écoute

Je sais que vous serez nombreux à vous montrer perplexe devant l’absence de design des Harbeth Super HL5, sans même évoquer celles qui refuseront catégoriquement de les voir entrer dans leur intérieur. Pourtant, juchées sur leur pied spécifique, elles ne prennent objectivement pas plus de place au sol que bien des colonnes de haut de gamme, il est vrai souvent plus élégantes.

En même temps, si vous êtes en train de lire ces lignes, c’est que vous acceptez le postulat que ces enceintes ont d’abord été créées pour reproduire la musique avec le maximum de naturel et de précision, que cette muse demande des sacrifices qui ne sont pas toujours à la hauteur de la récompense… Sauf qu’ici, c’est le contraire ! Les Harbeth Super HL5 sont certes des maîtresses exigeantes, notamment envers leurs compagnons de jeu qui devront se montrer à la hauteur de leur transparence, mais leur prix et leur forme ne reflètent en rien leur potentiel exceptionnel.

Harbeth-HL5-plackLe choix d’un transducteur est toujours un moment important, tant il doit concilier de paramètres différents, sans même évoquer la sensibilité et les habitudes d’écoute de chacun. Pourtant, tous ceux qui sont passés chez moi ces dernières semaines se souviendront pour une raison ou pour une autre de l’écoute des Harbeth Super HL5. Pour faire court : je ne m’étais pas autant fait plaisir avec une paire d’enceintes depuis bien longtemps ! Oubliant les paramètres techniques pour me laisser aller à de longues heures d’écoute, aussi bien à niveau intimiste qu’à niveau réaliste, comme si le système s’effaçait tout simplement devant la musique. J’ai exploré ma discothèque avec gourmandise, le mélomane et l’audiophile également comblés par tant de naturel et de distinction !

La première chose qui frappe, c’est leur capacité à reproduire une scène sonore grandeur nature, à remplir la pièce – sans la saturer – d’un son riche et fluide qui vous attrape par les oreilles. Des enceintes de sono ? Tout le contraire ! La transparence dont elles font preuve montre avec précision les qualités d’une production, le soin apporté au mixage et au mastering d’un album, qu’il soit analogique ou numérique. Au premier abord, le haut du spectre pourra paraître légèrement en retrait aux habitués à la surdéfinition de certaines enceintes modernes. À l’usage on prend pourtant conscience qu’il n’en est rien. Remarquablement intégré à un médium à la fois précis et fluide, ce registre se montre simplement très discriminent envers la source et les câbles, alors que le grave demande à être tenu et contrôlé par une électronique capable de délivrer du courant. Il faut les écouter chanter sur un clavecin et une viole de gambe. La qualité des timbres, la sensation d’être en présence de vrais instruments sont tout bonnement troublantes et il faudrait être totalement hermétique à Monsieur de Sainte-Colombe pour ne pas tomber totalement sous le charme de cette écoute fluide et naturelle !

Le rendement des Harbeth n’a rien d’extraordinaire, mais elles tiennent la puissance et c’est heureux, car on a souvent envie de jouer fort avec de telles compagnes. Leur caractère « grandeur nature » s’accommode fort bien d’une grande pièce, mais elles savent aussi se montrer agréables avec peu de recul, en évitant soigneusement de vous projeter le son à la figure. C’est l’avantage d’avoir été conçu comme une enceinte de monitoring.

Revenons à ce qui fait que les Harbeth Super HL5 sont des enceintes réellement exceptionnelles : leur capacité à concilier un nombre impressionnant de paramètres pour laisser vivre la mélodie. Que ce soit sur les accords délicats d’un clavecin ou d’un violon, dont elles sauront reproduire l’arrachement du premier et le frottement du second, sur la voix d’Ella Fitzgerald ou celle de Tom Jones, les déferlements d’énergie d’une bonne vieille « prod » de Madonna ou le grave travaillé de l’album Re ECM, les Harbeth vous mettent directement en contact avec la musique, grimpant d’un cran vers la transparence à chaque fois que l’on fait progresser la source et l’électronique. Il est tout à fait possible de se faire plaisir avec un ensemble constitué d’un lecteur CD ou réseau de qualité, d’un intégré bien timbré et de câbles choisis pour une petite dizaine de milliers d’euros, ou bien choisir de se laisser aller à la démesure, comme nous l’avons fait bien volontiers en les branchant sur notre système de référence, pour les pousser dans leurs derniers retranchements.

Dans les deux cas de figure, les Harbeth Super HL5 dévoilent une capacité rare à faire passer l’émotion. Je me suis même amusé à les intégrer à un système 4.1 en compagnie d’un gros ampli A/V Pioneer SC-LX86 pour découvrir qu’elles savent aussi très bien faire du cinéma ! La transparence du médium et cette capacité à reproduire une scène sonore large et profonde sont des avantages indéniables pour restituer des dialogues au milieu des effets et le beau grave, rapide et modulé dont elles sont capables assure une transition douce et naturelle avec un gros caisson de basses.

Elles n’en ont pourtant pas besoin pour délivrer le grave d’un synthé ou les samples délirants d’un Pan Sonic sans frustration pour l’auditeur. Au contraire, ça groove à tous les étages, et même si on peut descendre davantage dans l’absolu, la lisibilité des dernières octaves et leur parfaite intégration au reste de la bande passante est un bonheur qui s’exprime tout aussi bien sur la contrebasse d’Henri Texier sur son album Canto Negro que sur les basses profondes du dernier Franck Vaillant, Skitt for the Ears. Pour peu que l’amplification suive, la force de frappe des Harbeth risque même de surprendre les amateurs d’une belle production techno ! En revanche, elles se montreront impitoyables envers les disques trop compressés ou manquant de précision : il s’agit tout de même d’enceintes de monitoring… En attendant, leur capacité à faire face aux attaques d’une caisse claire est rare et je connais peu d’enceintes qui conjuguent avec autant de bonheur le quart d’heure intimiste sur un trio de Chopin et l’écoute à niveau réaliste d’un live des Stones.

Il faut dire que la scène sonore qu’elles exposent devant l’auditeur est un enchantement sur un concert, car les Harbeth offrent une très bonne notion des plans sonores dans les trois dimensions. C’est l’avantage d’être sur pieds : le placement du tweeter autorise une notion de hauteur réaliste et beaucoup d’air dans la restitution. Moins ponctuelles tout de même que certaines enceintes munies de haut-parleurs coaxiaux, les HL5 impressionnent pourtant par leur capacité à reproduire l’ambiance enveloppante d’un live en impliquant l’auditeur dans la scène sonore. La précision et la douceur du haut du spectre sont admirables sur une enceinte de ce niveau de prix. On comprend mieux l’intérêt de deux tweeters, afin d’assurer une bande passante parfaitement linéaire dans cette partie critique du spectre. L’excellente mise en phase des transducteurs, en plus de dévoiler une image sonore holographique, participe à cette sensation d’immédiateté, de rapidité, qui donne l’impression que la musique coule sans effort, pour reproduire l’articulation naturelle du morceau.

Évidemment, on peut aller encore plus loin. On peut faire encore plus précis, même si la lisibilité des arrières plans est assez miraculeuse, on peut descendre et monter plus haut, même si on ne se sent jamais frustré par la bande passante qu’elles délivrent, et même plus dynamique, bien qu’ici encore associé à des électroniques de haut de gamme… Ce qui compte, c’est que ces transducteurs correctement mis en œuvre délivrent la musique avec un réalisme saisissant et que je pourrais vivre avec tous les jours, sur tous les styles de musique sans me poser de question… Est-ce une caractéristique objective ? Pas tout à fait, maintenant que je les fréquente depuis un petit moment, mais cela veut tout dire !

En conclusion

On n’achètera pas les Harbeth Super HL5 pour leur esthétique originale ou raffinée, ni pour leur compacité. Mais si on se donne la peine des les mettre en œuvre comme elles le méritent, on pourra y aller les yeux fermés pour tout le reste ! Transparentes, vivantes, à la fois raffinées et fluide, les Super HL5 peuvent être tout cela et bien plus encore. Dans ces conditions, elles révéleront une qualité de timbres remarquable sur toute la bande passante reproduite, une image sonore exceptionnelle et des capacités dynamiques rares pour ne pas dire uniques à ce niveau de gamme. Peu d’enceintes, toutes catégories confondues, peuvent se vanter ici de proposer un accès aussi évident et sensible à la musique, une sensation de naturel, de rythme qui les rendent addictives à mes oreilles, comme à celles de beaucoup d’autres avant moi !

 

Fiche technique :

  • Configuration : trois voies bass-reflex
  • Réponse en fréquence : 40 Hz – 24 kHz ± 3 dB en champ libre, à un 1 m avec les grilles
  • Impédance nominale : 6 Ω
  • Sensibilité : 86 dB/1 W/1 m
  • Tenu en puissance : 150 W programme
  • Dimensions (H × L × P) : 638 × 322 × 300 mm
  • Finition : cherry, eucalyptus, rosewood
  • Poids : 17,2 kg
Système d’écoute : Sources : drive CEC TL51X VM, lecteur Oppo BDP-93EU (utilisé en tant que drive), enregistreur Nagra VI (utilisé en tant que lecteur de fichier et convertisseur), lecteur réseau Linn Akurate DS II ; platine vinyle Oracle Paris Mk VI ; entrée phono ASR Mini Basis, Nagra BPS ; amplificateurs intégrés : Exposure 3010S2, Pioneer A70 ; préamplificateur : Linn Kisto ; amplificateur : Karan Acoustics KSA 450 ; enceintes : ProAc Response ‘D’ Two, Linn Akurate 242 ; câbles de modulation asymétriques : Linn Silver Interconnect, Esprit Kappa, Cardas Golden Cross ; câble numérique : MPC Audio Absolute, Esprit Eterna AES-EBU, MPC Audio Absolute coaxial , Real Cable optique TosLink ; câble HP : Fa Dièse Alto Plus , Esprit Kappa , Linn K400 ; Supports : Klinger Favre Foating board ; accessoires : pieds Millenium M-Puck, HRS Nimbus, plaquettes amortissantes HRS Damping Plate MK II, barrette : Neodio PW1 ; câbles secteurs : Klinger Favre Audio, Fa Dièse Fortissimo et Soprano ; Esprit Manta