Par Antoine Gresland
Prix conseillé : 2600 euros la paire
Durée du test : plusieurs mois
La ProAc Response D Two n’est pas une enceinte comme les autres. Dernier avatar en date d’une longue lignée de monitors prestigieux, elle se devait de reprendre le flambeau de ses glorieuses aînées qui ont fait rêver bien des mélomanes et des audiophiles avant elle. C’est aussi l’enfant d’un concepteur réputée, Stewart Tyler, dont le prestige a depuis longtemps franchi la barrière qui sépare le monde pro- fessionnel de celui des amateurs de musique exigeants. Plus encore, si elle adopte un physique pour le moins conven- tionnel et des dimensions relativement compactes, elle défend une certaine idée de la reproduction sonore de haut de gamme, qu’elle entend apporter à ceux qui n’ont pas forcément l’espace nécessaire pour installer dans des conditions dignes de ce nom des enceintes plus encombrantes et surtout plus exigeantes vis-à-vis de leur environnement acoustique.
Il faut dire que ProAc jouit d’une position assez rare dans le monde du son, transverse entre l’univers des professionnels et celui des audiophiles et mélomanes. J’en veux pour preuve le succès mérité de l’enceinte de Monitoring Studio 100, que je retrouve régulièrement en petite écoute dans les studios que je fréquente, mais aussi les commentaires enthousiastes de ceux qui profitent d’une paire de Studio 140, de Response D15 ou de D38 chez eux, au quotidien.
Arrivées neuves chez moi au début de l’été, les Response D Two bénéficiaient donc d’un à priori favorable de ma part, puisque je suis moi-même souvent tombé sous le charme des créations de Stewart Tyler. Pour tout vous dire, je rêve parfois des grandes Response 4 de mon ami ingénieur du son Philippe Teissier du Cros, avec lesquelles j’ai eu la chance de partager tant de moments magiques avec la musique. Mais la taille de ma pièce, et les conditions dans lesquelles j’effectue mes écoutes m’interdisent pour l’instant d’installer de tels monuments (1,60 m de haut, plus de 100 kg !) dans mon environnement familier.
L’expérience irremplaçable d’un grand monsieur de l’acoustique
Stewart Tyler fait partie de ces concepteurs qui s’attachent à développer des enceintes adaptées à chaque utilisateur et surtout, à chaque volume de pièce, plutôt que de chercher à élaborer un plan marketing sophistiqué. Ses modèles type miniature : Tablette Reference 8 et Response 1SC, et la plus encombrante Response 2 originale, jouissent d’une image quasi iconique depuis bien longtemps, car elles réussissent à offrir un très haut niveau de qualité parfaitement adapté à des pièces de dimensions raisonnables.
La Response D Two appartient à la gamme haute du constructeur britannique et représente, de son propre aveu, ce que Stewart Tyler sait faire de mieux dans un encombrement réduit. Une enceinte qui fait donc passer la musique au-dessus de la taille et prétend amener à son auditeur la même justesse de timbre et les mêmes qualités de transparence et de dynamique que ses grandes sœurs.
À première vue, la D2 apparait pourtant relativement simple, avec sa caisse parallélépipédique à la finition ir- réprochable. Mais comme souvent, c’est dans le détail que se trouve la différence ! Techniquement parlant, la D Two est d’ailleurs assez différente de sa glorieuse aînée, et ce dans tous les domaines. À la base, on retrouve bien une configuration deux voies en bass-reflex, avec un tweeter décalé vers l’intérieur du baffle, afin de favoriser le recoupement des lobes de directivité, tout en évitant, tout du moins en partie, les effets de bords (réflexions sur le baffle en périphérie du transducteur) indésirables.
Mais là s’arrête les similitudes entre les deux modèles. En matière d’ébénisterie, Stewart Tyler a décidé d’adopter une configuration typique du cahier des charges « BBC » avec des parois minces, très amorties, et un panneau arrière épais (25 mm), qui constitue la référence de l’ensemble. Le multiplis marine de 15 mm d’épaisseur remplace ainsi le médium de 25 mm que l’on trouvait sur la Response 2, recouvert d’une épaisse couche de bitume, afin d’amortir les ondes stationnaires. Stewart Tyler explique que cette configuration permet de repousser dans le bas du spectre tous les modes propre au coffret, le manque à gagner dans le bas du spectre étant compensé par le fait que le haut-parleur de grave est doté d’un cône beaucoup plus rigide, qui permet de remuer l’air avec plus de conviction dans les dernières octaves, tout en offrant un meilleur contrôle.
En ce qui concerne les haut-parleurs, la D2 adopte un tweeter à dôme en soie de 25 mm, ventilé et amorti en interne, identique à celui que l’on trouve sur certaines de ses grandes sœurs. Son diamètre, supérieur à celui qui équipait son ancêtre, a permis d’abaisser la fréquence de recoupement entre les deux transducteurs et de faciliter ainsi le travail du haut-parleur de médium-grave. Ce nouveau transducteur, directement dérivé de celui qui équipe la colonne D15, est un modèle de 165 mm équipé d’un cône de mise en phase en cuivre et d’une membrane en fibres de verre tissées, à la fois plus légère et rigide que le cône en polypropylène qui équipait la Response 2. Construit sous cahier des charges par SEAS, ce haut-parleur adopte le puissant moteur « Excel » qui utilise des anneaux de cuivre au-dessus et en dessous de l’entrefer, afin de réduire les courants de Foucault (phénomène d’induction magnétique) et la distorsion qui en résulte. La Response D Two troque également l’évent bass-reflex résistif du passé (c’est à dire à diamètre variable) pour un évent plus classique en forme de tube qui permettrait, d’après le constructeur, une meilleure extension des basses, même si ce dernier est plus sujet au bruit d’écoulement d’air .
Le filtre est un modèle dit « HQ », c’est-à-dire de très haute qualité, patiemment mis au point à partir de composants de haut de gamme pour un parfait recoupement des registres et finalisé, comme il se doit à l’oreille. Le dos de l’enceinte propose le bicâblage (ou la biamplification) à partir de quatre beaux borniers plaqués rhodium, identique à ceux que l’on trouve sur le reste de la gamme Response.
Conditions d’utilisation
Je me refuse à parler d’enceintes de bibliothèque à propos des Response D2 pour la bonne et simple raison que malgré leur taille compacte, ce n’en sont pas ! D’ailleurs, avec une quarantaine de centimètres de haut, on ne peut pas dire que ce soit exactement de petites enceintes. Et puis, il faut compter les pieds, qui devront se montrer lourds et mesurer une soixantaine de centimètres de haut pour les situer à hauteur précise des oreilles lorsque l’on est confortablement assis dans son canapé ou son fauteuil préféré. Une fois convenablement placés, c’est-à-dire assez loin des murs latéraux et du mur arrière, les tweeters orientés vers l’intérieur comme le recommande le manuel, les D2 occupent au sol la même surface qu’une paire de colonnes.
Cela dit, ces ProAc ne sont pas particulièrement difficiles à mettre en œuvre. Elles aiment être fortement focalisées vers l’auditeur, pour reproduire au mieux le triangle stéréophonique pour lequel elles ont été conçues et l’on prendra soin de les mettre à niveau (c’est valable pour n’importe quelles enceintes !), pour profiter au mieux de la mise en phase idéale d’une configuration deux voies.
Il faudra aussi prendre soin de leurs compagnons de jeu, parce que leur transparence n’apprécie pas trop l’approximation. À 2600 euros la paire, les ProAc D Two sont bien des enceintes de haut de gamme. Un amplificateur généreux en courant (les watts sont moins essentiels, compte tenu du rendement de 88,5 dB/1 W/1 m, tout à fait convenable) et une trentaine de watts en classe A, comme ceux offerts par l’intégré Sugden A21SE ou le Pass X30.5 suffisent à leur bonheur. Maintenant, s’il y en a davantage, ce n’est pas un problème non plus, comme j’ai pu le constater avec mon Karan de 450 watts ! Quant à la source, comme toujours, mais peut-être un peu plus encore cette fois-ci, elle est essentielle. Avec un tel niveau de détail, rien ne lui échappe et un lecteur de CD ou un lecteur de DVD de bas de gamme ne leur rendra pas justice et risque de détourner l’amateur de leurs réelles qualités.
Enfin, les ProAc ont besoin d’une longue période de rodage pour atteindre leur plein potentiel. Arrivées neuves chez moi, les D Two ont nécessité largement plus d’une centaine d’heures pour s’exprimer librement. À la sortie des cartons, le résultat est pourtant déjà enthousiasmant, mais au bout d’une cinquantaine d’heures, durant lesquelles elles offriront tantôt une écoute claire et tendue, tantôt un grave un peu trop rond et un équilibre subjectivement descendant, elles semblent se stabiliser autour d’une palette de timbres manquant un peu de diversité. Une écoute relativement monotone qui pourra faire peur à ceux qui n’ont pas été prévenus. Fort heureusement, il ne s’agit que d’une étape transitoire, avant qu’elles ne démontrent un potentiel absolument exceptionnel !
Une écoute magique !
Je vous écris depuis mon canapé. En face de moi, Lhasa chante, accompagnée simplement d’une guitare folk. Elle est là, devant moi, et je suis tellement dans la musique qu’il me faut faire un effort pour écrire ce que je ressens. En réalité, à ce moment précis, je n’ai pas grand-chose d’audiophile à vous dire ! À l’heure qu’il est, tous les paramètres techniques de la restitution ont tendance à m’échapper sous le coup de l’émotion. Certains me diront que c’est trop facile : une source de compétition, un préampli et un ampli proche de l’idéal, ça ne peut que bien marcher ! Si seulement cela pouvait être aussi simple… Combien de systèmes ambitieux et d’enceintes hors de prix se sont révélés incapables de me communiquer cette sensation d’être en face de l’artiste, plongé dans la musique.
Dans ma pièce de 20 mètres carrés, les ProAc D Two ont donc simplement trouvé leur place et j’assiste médusé à la naissance d’une image stéréo en trois dimensions à laquelle rien ne manque. Le haut du spectre, d’une saisissante transparence, me met en contact avec le timbre si particulier de cette jeune femme de grand talent. J’entends très distinctement les réverbérations du local d’enregistrement, totalement intégré à ce morceau enregistré en live, l’instrument jouant effectivement derrière la chanteuse.
Et lorsque je change de genre, pour jouer le dernier album du trio de Stéphane Kerecki accompagné du saxophoniste Tony Malaby, Houria, depuis le lecteur réseau Linn Akurate DS que je suis en train de tester, c’est pour changer totalement d’environnement et d’ambiance. Encore une fois, les ProAc m’épatent par leur capacité à faire entrer la contrebasse dans ma pièce, sans exciter la moindre réverbération parasite et avec une extension étonnante dans le bas du spectre pour un volume aussi raisonnable.
Voilà deux mois que je vis avec les ProAc et cette expérience, je l’ai vécue à de nombreuses reprises, en compagnie d’électroniques très différentes. Avec les trente watts du Sugden A21SE, j’apprécie la capacité des enceintes à tirer le meilleur de cette puissance limitée, mais tellement musicale, sans parler du Pass X30.5 qui m’a dévoilé en leur compagnie toute l’étendue de son immense talent à évoquer la musique. Il ne s’agit donc pas d’une question de puissance, mais de qualité, car de ce côté-là, les D Two ne pardonnent pas grand-chose. Inutile d’essayer de les faire chanter avec un matériel qui ne serait pas à leur niveau, parce qu’elles vous laisseront tout entendre de leurs faiblesses et de leur inadéquation.
Mais il y a tellement de belles machines susceptibles de les faire bien chanter. Avec cette capacité innée à retranscrire le caractère de chaque appareil, je les imagine soyeuses et subtiles avec un ensemble Icos, dynamiques et charmeuses avec du Naim, équilibrées et transparentes avec du Sim Audio, réalistes et passionnantes avec du Linn…
Et je les entends tellement cohérentes et musicales avec le Sugden A21SE et l’ensemble CEC TL-51X – Nagra VI, utilisé en tant que convertisseur numérique – analogique, que je prends conscience de tout ce qu’elles peuvent apporter à l’amateur de musique qui cherche une écoute sans trop de compromis dans une pièce de vie réaliste.
Évidemment, elles ne sont pas parfaites. Il y a bien, de temps en temps, ce bass-reflex qui fait un peu trop parler de lui sous forte contrainte. Un petit bruissement qui passe pourtant presque inaperçu, tant le bas du spectre est par ailleurs convaincant, autant dans la qualité du suivi mélodique qu’en extension. Dans ce dernier domaine, elles ne peuvent pourtant pas lutter avec mes chères Linn 242, mais ce qu’elles donnent à entendre est tellement cohérent, dans son intégration au reste de la bande passante, que l’on s’étonne régulièrement à découvrir autant de détails dans une zone du spectre qu’elles ne font qu’effleurer.
J’ai pu lire, ici et là, que le haut du spectre des D Two est moins « doux » que celui de leurs ainées. C’est vrai, surtout si l’électronique et plus encore la source ne sont pas au niveau. Les ProAc offrent en effet un haut du spectre particulièrement détaillé et riche, digne de la réputation du constructeur. Transparent, il pourrait même se révéler un peu pointu, à la limite, avec un mauvais choix de câbles. Mais cette transparence devient un atout si l’on se donne la peine de bien les associer, en mettant clairement les partis pris d’enregistrement et de mixage en évidence. Et puis, il y a ce médium totalement intégré et en même temps tellement dynamique qu’il semble mettre un point d’honneur à vous faire respirer par le saxophone de Tony Malaby, à vous mettre en contact avec l’émotion de la voix si particulière de PJ Harvey ou le piano de Keith Jarrett.
Alors, forcément, on se laisse aller à la démesure, et je branche mon Karan sur les ProAc. Cela peut paraître disproportionné, mais c’est pourtant une expérience salutaire pour évaluer, sans restriction, les qualités d’une enceinte. Une expérience édifiante qui ne fait que confirmer, décupler, ce que l’on avait entendu sur des électroniques moins ambitieuses. Il faut tout de même faire attention, car les ProAc Response D2 ne peuvent « encaisser » la totalité de la puissance délivrée par le KA S 450. Et comme la distorsion est aux abonnés absents, on a vite fait d’arriver à la limite de leur capacité. Mais pour y parvenir, dans une pièce de dimensions réduites comme la mienne, il aura fallu jouer avec des fichiers peu compressés, tout juste sortis d’une console de mixage en 24 bits – 96 kHz, avec ce que cela implique en termes de dynamique et de bande passante.
Mais quel plaisir, quelle émotion ! Sur le dernier album d’Eric Bibb Live à FIP, le studio 104 de Radio France fait son entrée dans mon salon, avec les spectateurs. La scène sonore est tout simplement réaliste, totalement cohérente et sans projection aucune. Les enceintes disparaissent du paysage pour immerger l’auditeur dans la musique. On savoure aussi le sens du rythme d’Eric Bibb, sa voix profonde et chaleureuse, tous ces petits détails, ces inflexions physiques de la gorge qui donnent un corps, une contenance à l’interprète.
Pour témoin, je garde la réaction, basique et spontanée de mon ami Philippe Teissier du Cros (et de l’inexpugnable et insubmersible Emmanuel Finot, compagnon fidèle de mes écoutes tardives et pourfendeur de mes fautes d’orthographe, qu’il en soit remercié ici !) venu découvrir les ProAc chez moi : « J’ai tout ce qu’il me faut, là ! Je crois que je pourrais vivre avec un système comme celui-là… ». Bel hommage de la part d’un professionnel qui a la chance de vivre avec une paire de Response 4 !
En conclusion
Les ProAc Response D Two font partie des transducteurs les plus musicaux qu’il m’ait été donné d’entendre, et ce, sans limitation de prix ! Dans une pièce aux dimensions raisonnables, elles sont capables de performances exceptionnelles, prouvant, une fois encore, à quel point l’adaptation du local à l’enceinte est primordiale dans l’obtention d’une écoute de haut de gamme. Avant tout, les D Two sont des enceintes vivantes qui donnent tout bonnement envie d’écouter de la musique à tout bout de champ ! L’image stéréo holographique, le raffinement et la précision dont elles font preuve dans le haut du spectre, la cohérence des timbres et les capacités dynamiques qu’elles démontrent lorsqu’elles sont correctement mises en œuvre, en font l’antithèse de petites enceintes. Très sensibles à la qualité du matériel qu’on leur associe, elles se montrent pourtant d’une rare polyvalence, tout en préservant leur potentiel d’évolution. Une vraie merveille d’enceintes que je garderais bien chez moi…
Fiche technique
- Dimensions (L x H x P) : 203 x 430 x 260 mmm
- Poids : 11 kg
- Impédance nominale : 8 Ω
- Réponse en fréquence : 30 Hz – 30 kHz
- Sensibilité : 88,5 dB linéaire (1 W/1 m)
- Puissance recommandée : de 30 W à 150 W
- Finition : placage bois noir cendré, mahogany, cerisier et érable en standard. Ébène et Birds Eye en option