Origine : Écosse
Prix : 15 950 euros (hors disque dur réseau, routeur et accessoires)
Durée du test : 5 jours
Il n’y a pas si longtemps encore, la dématérialisation inévitable de la musique enregistrée me faisait un peu peur. Le CD disparu, je m’imaginais condamné à errer sur Internet. Partir à la recherche de fichiers non compressés pour découvrir dans des conditions à peine décentes les dernières nouveautés sur un ordinateur branché à ma chaîne… En attendant de dénicher ce vieil enregistrement de Duke Ellington en vinyle pour savourer encore le bonheur d’écouter la musique telle qu’elle a été désirée. Pourtant, depuis que le Linn Klimax DS est passé faire un tour dans mon système, je me sens rassuré. L’arrêt du CD et la faillite du SACD ne frustreront pas l’audiophile et le mélomane qui cohabitent en moi, bien au contraire. Même si je n’ai pas les moyens d’investir les 15 000 euros nécessaires à l’acquisition de ce bel objet pour l’instant, le Klimax DS démontre que la musique peut finalement bénéficier de cette révolution des mœurs et de la technologie.
Petit tour du propriétaire
Depuis la cultissime platine vinyle Linn Sondek LP 12 jusqu’au non moins célèbre lecteur Linn Sondek CD-12, le constructeur écossais Linn Product s’est fait une spécialité de concevoir des sources analogiques et numériques musicalement et techniquement exceptionnelles. Confronté à la dématérialisation du support, le bureau d’étude de Linn ne s’est pas donc pas dégonflé en se lançant dans la conception d’un système dont la mission est de dépasser clairement les performances du CD 12. Si ce dernier se voulait l’aboutissement des recherches menées par le constructeur pour extraire le maximum d’information et de musique d’un CD, le Klimax DS utilise mémoire de masse pour stocker les informations extraites d’un CD ou téléchargées depuis Internet, supprimant ainsi purement et simplement les problèmes de vibrations et d’erreurs inhérents à la lecture d’un disque optique. Pratiquement parlant le Klimax DS est donc un convertisseur numérique sophistiqué, attaché à un disque dur externe ou à celui de votre ordinateur, contenant des fichiers WAV (c’est-à-dire non compressés) ou FLAC (un format de compression sans perte non propriétaire) haute résolution. Le signal stéréo est délivré au préamplificateur en analogique via ses sorties symétriques et asymétriques comme avec n’importe quel lecteur conventionnel.

À droite, les sorties analogiques, asymétrique et symétrique, une borne de masse, deux prises RS232, le port Ethernet, la mise sous tension et l’embase IEC du cordon d’alimentation
Le Klimax DS ne possède pas d’entrée ou de sortie numérique conventionnelle pour y connecter un lecteur de CD ou un Drive et ne peut pas non plus reproduire le son d’un film ou d’un autre média lu directement sur votre ordinateur comme le ferait un serveur traditionnel. Cette limitation semble être le prix à payer pour offrir le niveau de qualité extrême dont le Klimax DS est capable et ne gênera sans doute pas les audiophiles et mélomanes à la recherche d’une source ultime pour savourer leur musique dans les meilleures conditions. Je regrette pourtant, moi qui passe une grande partie de ma journée devant un ordinateur, de ne pouvoir simplement m’en servir comme d’un convertisseur universel.
Une technologie de pointe évolutive
Techniquement parlant, le Klimax DS est capable de lire tous les fichiers audio LPCM jusqu’au format 24 bits – 192 kHz. Son architecture est basée sur une puce Xilinx qui effectue un suréchantillonnage à 384 ou 352,8 kHz (en fonction de la fréquence d’échantillonnage initiale) avant de confier le flux numérique à la dernière génération de convertisseurs numérique – analogique Wolfson WM8741 fonctionnant à la fois en multibit et en Delta Sigma. L’ensemble est piloté par une horloge maître flottante qui se sert d’un étage tampon pour optimiser le flux numérique en provenance de la liaison Ethernet qui le relie au disque dur, afin de garder le jitter aussi bas que possible.
Le logiciel de gestion CARA
Le processeur Xilinx chargé du surréchantillonnage du signal numérique est un élément essentiel d’un lecteur réseau, prenant en charge des signaux très différents dont la résolution peut varier de 16 bits à 24 bits et la fréquence d’échantillonnage de 32 kHz à 192 kHz.
Le nouveau logiciel de gestion développé par Linn pour l’ensemble de sa gamme DS, baptisé Cara a été conçu pour tirer le meilleur parti du filtre numérique de ce DSP. Concrètement, Linn a ajouté un algorithme de dithering avancé entre le surréchantillonnage et la conversion, afin de profiter au mieux de la résolution de calcul interne de 35 bits du DSP, résolution qui doit être ramenée à 24 bits pour correspondre à celle des convertisseurs N/A Wolfson. Avec le logiciel de gestion Bute, utilisé jusqu’ici, cette opération était effectuée par simple troncation, ce qui avait pour conséquence de générer une distorsion de quantification – heureusement à très faible niveau. Avec le système Cara, les ingénieurs de Linn ont éliminé cette distorsion en ajoutant un signal de dithering (dither : bruit de fond de très faible amplitude qui permet de linéariser les performances d’un convertisseur en minimisant les erreurs de quantification) calculé avec soin, avant de tronquer le signal. Cette procédure, couramment utilisée dans les studios de mastering, préserve efficacement les informations audio présentes dans le signal surréchantillonné sous 35 bits, avec comme seule conséquence une très faible augmentation du plafond de bruit résiduel. À noter que cette mise à jour du système d’exploitation des lecteurs réseau Linn DS est gratuite. Il suffit de la télécharger depuis le site du constructeur et de laisser le petit programme Linn Konfig, qui lui est associé, faire le travail depuis votre ordinateur. L’opération prend une vingtaine de minutes et vaut vraiment le détour, comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte à l’écoute !
L’alimentation Dynamik
Voilà plus de dix ans déjà que Linn utilise des alimentations à découpage sur ses produits. Certains audiophiles réfractaires à ce type d’alimentation, par principe, vous raconteront qu’elles n’amènent que des problèmes et n’ont d’intérêt que pour faire baisser le prix des appareils en remplaçant des composants chers (gros transformateurs, condensateurs de forte valeur, etc.) par des éléments de moindre coût. C’est souvent vrai lorsqu’il s’agit d’appareils de grande consommation, lecteurs de DVD, consoles de jeux ou ordinateur personnel, mais ça ne l’est pas du tout lorsqu’on se donne la peine de s’attaquer aux problèmes posés par ce mode de fonctionnement, notamment en ce qui concerne la pollution haute fréquence du signal musical, pour en récolter les bénéfices. Bien mieux immunisée des fluctuations du secteur, une alimentation à découpage peut délivrer une quantité d’énergie propre considérable, pratiquement sans délais, tout en limitant l’influence électromagnétique de l’alimentation sur les composants adjacents.
Le bureau d’études du constructeur en est aujourd’hui à sa troisième génération d’alimentations à découpage, et le moins que l’on puisse dire en écoutant ces précédentes références (lecteur Linn CD-12, lecteur multistandard Unidisk 1.1, préamplis Kisto et Kontrol, amplificateurs Klimax Solo 500 et Twin Chakra pour ne parler que des haut de gamme…), c’est qu’il maîtrise son sujet ! L’alimentation Dynamik est désormais fournie en standard, mais il est réconfortant de savoir que cette mise à jour aux répercussions évidentes sur les qualités musicales de l’appareil, est disponible moyennant finance (595 euros), pour tous les lecteurs DS de première génération chez les revendeurs de la marque.
Comme d’habitude sur la série Klimax, la qualité de fabrication du DS est exceptionnelle : la qualité des composants, le boitier creusé dans l’aluminium pour ménager des espaces séparés et totalement blindés à chaque partie importante de l’appareil, tout a été mis en oeuvre par le bureau d’étude pour tirer le maximum de performance d’un schémas novateur à bien des égards.

Sur cette photo, on aperçoit bien l’affichage et la logique de com- mande sur le devant, l’alimentation à découpage à droite, le circuit d’acquisition et de conversion au centre et l’étage de sortie analogique clairement isolés les uns des autres afin de ne pas se perturber électromagnétiquement.
Mise en œuvre
Au départ, il faut donc un ordinateur pour charger les disques ou les fichiers dans la banque de données du disque dur. Linn recommande l’usage d’un programme nommé Exact Audio Copy qui scanne le CD en repassant autant de fois que nécessaire sur la piste pour s’assurer qu’il ne lui manque aucune information. Cette opération, bien que facile, prend une quinzaine de minutes par disque. Les revendeurs Linn sont incités à trouver des partenaires susceptibles d’effectuer le transfert de votre discothèque sur le disque dur à votre place. J’ai 2 000 CD : il faudrait donc 500 heures pour effectuer l’opération moi-même… c’est peut-être une bonne idée de s’en remettre à un prestataire !
Idéalement, le Klimax DS doit être relié à Internet, sur lequel il va pouvoir récupérer les informations relatives au CD (artiste, nom et durée des pistes…) ainsi que les fichiers musicaux haute-résolution 24 bits 96 ou 192 kHz qu’il est désormais possible d’acheter auprès des sites tels que Linn Records, la compagnie éditrice sœur de Linn Products, qui propose l’ensemble de son catalogue musical en qualité master.
Il est pourtant possible d’utiliser le Klimax sans Internet, une fois les informations stockées sur le disque, à travers un routeur (c’est-à-dire un distributeur réseau) capable d’attribuer une adresse IP aux différentes parties du système. L’appareil a encore besoin d’une borne Wifi afin de communiquer sans fil avec le Tablet PC qui va lui servir de télécommande intelligente. Cette liaison Wifi permettra également de copier les informations des CD depuis l’ordinateur sur le disque dur par la voie des airs, et de se débarrasser d’une liaison filaire supplémentaire.
Reste que l’on regrette un peu au moment de l’installation que le constructeur n’ait pas intégré le tout dans la boîte. On comprend que le module Wifi soit susceptible de perturber cet appareil conçu avant tout pour la performance audio (d’autant plus que les normes Wifi sont amenées à évoluer ce qui le rendrait, à terme, obsolète) mais je comprends moins que le Klimax DS ne soit pas le centre du système en intégrant son propre générateur d’adresse IP, et donc le routeur nécessaire à piloter l’ensemble des éléments (disque dur, borne Wifi et télécommande Tablet PC) qui lui sont reliés. On aurait même pu imaginer une connexion directe à un lecteur optique et un programme intégré de copie CD vers disque dur qui aurait facilité la mise à jour de la banque de données au quotidien. Si Linn a voulu concevoir une source extrême et rien que cela, autant simplifier la vie de l’utilisateur en lui offrant une interface physique totalement intégré… Personne n’est parfait !
Une nouvelle interface utilisateur enfin digne de l’appareil.
La mise en œuvre du Klimax DS nécessite un minimum de connaissances informatiques pour configurer le réseau auquel il est rattaché, ainsi que pour copier convenablement les disques dans la base de données (disque dur réseau de type NAS ou ordinateur personnel) qui va lui servir de discothèque. Même si l’installation physique de l’appareil ne prend que quelques minutes, il est donc préférable de s’en remettre à un revendeur compétent pour profiter complètement de sa machine.
Reste à l’utiliser au jour le jour… Dans ce domaine, les DS marquaient jusqu’ici leur seul vrai handicap par rapport à la concurrence, mais surtout en regard du plaisir simple de se servir d’un support physique, CD ou vinyle, aussi démodé soit-il !

Linn fournit désormais en standard une interface utilisateur conviviale et belle à regarder pour piloter son DS depuis un ordinateur PC ou Mac. On peut même changer la couleur du fond. L’appareil est également livré avec une télécommande basique mais les options ne manquent pas pour la remplacer avantageusement : un iPod touch, un iPhone ou un iPad feront, par exemple, parfaitement l’affaire !
Fort heureusement, depuis le lancement du Klimax DS, les choses ont beaucoup évolué, au point de devenir enfin convaincantes et conviviales pour l’utilisateur ! Il faut dire que la première version de l’interface, baptisée Linn GUI, n’était tout simplement pas à la hauteur des performances des appareils. Mais le constructeur a su réagir, et son nouveau programme Kinsky doté d’une interface graphique à la fois belle et complète, permet désormais de consulter sa discothèque en profitant de l’affichage des pochettes, de faire une recherche avancée en quelques secondes et de se constituer des listes de lecture, mémorisables d’un clic, depuis son ordinateur.
On poura aussi se tourner sans frustration vers un logiciel tiers, tel que Songbook, qui affiche également les pochettes sous la forme d’un coverflaw, comme dans iTunes, et propose les mêmes fonctionnalités. Une application vendue 30 euros sur le net qui possède son pendant sur l’iPhone, l’iPod et l’iPad, auquel on pourra préférer PlugPlayer ou Chorus DS, encore moins cher (quelques euros sur l’Apple store), qui transforme ces derniers en une télécommande tactile particulièrement conviviale et insensible aux murs, puisqu’ils communiquent avec le réseau en Wifi. Comme les DS se pilotent avec le protocole UPnP, il est aussi possible de faire appel à une télécommande universelle, à un Pocket PC ou à tous téléphones portables type « smartphone » supportant ce langage, par ailleurs très répandu.

Le logiciel SongBook, conçu spécialement pour les lecteurs réseaux, ressemble beaucoup à iTunes, dont il reprend notamment le coverflow : les pochettes présentées en éventail consultables d’un coup de mollette de souris.
Écoute comparative : Linn Klimax DS contre Linn Sondek CD 12
Certains pourront penser que, compte tenu de mon attachement à la marque de Glasgow, je manque d’objectivité pour juger le Klimax DS. Croyez-moi pourtant, il n’en est rien. Quand il s’agit de dépenser plus de 15 000 euros pour acquérir une source de référence telle que le CD 12, on fait le tour de la concurrence sans état d’âme. Une concurrence que je connais bien pour la fréquenter, et l’apprécier souvent, dans le cadre de mon travail de journaliste Hifi.
Le Klimax DS se révèle d’emblée une source de musique tout simplement exceptionnelle. Il délivre à travers mon système un flot de musique d’une fluidité qui fait immédiatement penser à une platine vinyle de très haut de gamme. Cette homogénéité, cette absence de crispation numérique est d’autant plus flagrant que la comparaison se fait à partir du même morceau lu par un lecteur CD du calibre du Sondek CD 12.
Sur le live d’Hadouk Trio Baldamore, le CD 12 ne démérite pourtant pas. Malgré son âge (presque 6 ans déjà pour la version 24/96 dont je suis l’heureux possesseur), il développe à mon oreille des capacités musicales, une fluidité et une lisibilité dont peu de références actuelles sont encore capables. On retrouve bien cette sensation de matière et d’expressivité naturelle sur un Nagra CDC ou sur un Naim CD555, mais pas totalement sur un DCS Puccini ou un Esoteric X-01 D2. Ces deux derniers pourront donner l’impression d’aller encore plus loin en matière de précision et de dynamique pure, domaines dans lesquels ils imposent la technologie de leurs circuits de dernière génération et leur puissance de calcul. Leurs qualités sont évidentes à l’oreille attentive, mais ils ne me donnent pas pour autant plus envie d’écouter de la musique. Le Nagra CDC possède cette même liquidité charnelle, cette absence de crispation numérique alors que le Naim CD555 impose un merveilleux sens du rythme et une bande passante toute aussi impressionnante. Mais aucun des deux ne dominent vraiment le CD 12 sur une écoute musicale.
Pourtant, sur le morceau « Hijaz », la merveilleuse diversité des frappes et le sens du groove de Steve Shehan apparaîssent sous un nouveau jour avec le Klimax DS, comme magnifiés par la longueur des fins de notes et la subtilité des timbres du métal qui sonne sous ses doigts. Le pied de batterie apparaît encore mieux dessiné dans l’espace, et quand la gumbass de Loy Ehrlich fait son apparition, c’est pour souligner le morceau avec une énergie contrôlée totalement intégrée à la mélodie, pour donner une dimension supplémentaire à la profondeur de l’image stéréo.
Pourtant, sur le morceau « Hijaz », la merveilleuse diversité des frappes et le sens du groove de Steve Shehan apparaîssent sous un nouveau jour avec le Klimax DS, comme magnifiés par la longueur des fins de notes et la subtilité des timbres du métal qui sonne sous ses doigts. Le pied de batterie apparaît encore mieux dessiné dans l’espace, et quand la gumbass de Loy Ehrlich fait son apparition, c’est pour souligner le morceau avec une énergie contrôlée totalement intégrée à la mélodie, pour donner une dimension supplémentaire à la profondeur de l’image stéréo.
En fait, c’est l’intégralité de la scène sonore qui vient de s’ouvrir devant nos oreilles. La sensation de présence et la qualité de timbre du Doudouk de Didier Malherbe donne un réalisme hallucinant à cette magnifique prise de son Live. Pourtant, c’est au retour en arrière que l’on découvre avec davantage d’acuité encore la différence de subtilité et de richesse d’informations entre les deux machines, tant il est toujours plus facile de prendre conscience de ce que l’on a perdu en revenant sur une source de qualité inférieure.

Le Sondek CD 12 reste une machine exceptionnelle, mais il a beau tirer la langue, il ne peut lutter contre le Klimax DS et ses circuits de pointe… Il va falloir s’y faire !
Confronté au sens du rythme et à l’énergie parfaitement répartie du Klimax DS, le CD 12 apparaît plus réservé, presque sombre, comme s’il manquait des informations pour reconstituer parfaitement la micro dynamique des instruments. Ce qui est encore plus bluffant, c’est de découvrir que même un disque aussi mal transféré sur CD que The Wall de Pink Floyd profite des bienfaits du Klimax DS. Sur « Nobody Home » qui commence par le son lointain d’une télévision et la voix d’un homme qui hurle, le Klimax définit les plans sonores avec une précision inouïe alors que l’on découvre le battement d’un cœur en arrière plan jusqu’alors à peine esquissé. D’une manière générale, chaque élément rapporté apparaît simplement plus lisible, à la fois mieux détaché et pourtant parfaitement intégré à la mélodie. Du coup, le rythme semble subjectivement plus lent, comme apaisé, alors que l’on découvre une nouvelle articulation des différents éléments du morceau en gagnant une profondeur dont on avait gardé le souvenir sur le vinyle sans jamais la retrouver sur le CD.
Une impression que l’on retrouve également sur « The Plaint » extrait du magnifique recueil de chansons Music for a while d’Henry Purcel, interprété par Alfred Deller. Sur ce morceau, enregistré dans une église, la voix du haute-contre est accompagnée d’un clavecin et d’une viole de gambe et la mélancolie de la mélodie apparaît avec une nouvelle évidence. À tel point que l’on a presque l’impression d’avoir changé de master ! Le souffle du gambiste, la densité de la caisse de la viole comme le pincement des cordes du clavecin acquièrent une nouvelle souplesse, sans pour autant perdre en détail, alors que la voix, toujours plus délicate, vient prendre sa place dans l’acoustique du lieu. Ici, le Klimax DS démontre sa capacité de résolution sur les petits signaux, toutes ces réverbérations, ces résonances qui font la vie et la présence de la musique. Le Klimax DS réussit à communiquer l’articulation et la richesse des timbres, l’aridité ou la sécheresse d’un accord sans jamais tomber dans la caricature d’une hyper définition racoleuse et vite fatigante. D’évidence, il extrait la moindre information disponible, mais c’est pour la mettre au service d’une reproduction homogène de la mélodie et non pas d’une froide analyse des éléments qui la constituent.
Et n’allez pas croire que cette séduisante élégance cache une quelconque forme de mollesse, une souplesse excessive ou des attaques paresseuses sur une musique plus tapageuse. Dans ce domaine, la compression ravageuse (mais intelligente parce que sélective) de l’album American Life de Madonna vous démontrera le contraire. Le travail de l’ingénieur du son est ici à
l’honneur. Les différentes couches d’effets, les jeux de re recording, la frappe d’une basse synthétique, tout concourt à faire de cet album rempli d’énergie un pousse-au-crime où la douceur et le naturel du Klimax DS donnent envie de mettre toujours plus fort pour profiter de l’énergie débordante dont il est capable. Quelle claque ! Comme libérés de leurs gangues, les effets stéréophoniques envahissent la pièce et le retour au CD 12 est vécu comme un repliement de l’image stéréo et une sensation d’assombrissement saisissante alors que cet album passe d’habitude remarquablement chez moi. Pourtant, la hauteur des timbres n’a pas changé, mais le haut du spectre apparaît si détaillé et le grave si défini que je découvre une nouvelle approche de cet album que je connais pourtant par cœur.
Même impression sur le Broken Rhythms de Trilok Gurtu où les percussions traditionnelles indiennes rebondissent avec un entrain et une fluidité que je ne leur connaissais pas. La qualité des attaques est tout bonnement époustouflante. Sur la deuxième plage « Kabir », on se trouve au milieu des peaux alors que la voix de la chanteuse domine avec aisance cette avalanche de rythmes entrelacés.
Mais que ce soit sur le piano de Bill Evans, la trompette de Miles Davis, les programmations sauvages de Radiohead ou les délires psychédéliques de Laurie Anderson, le Klimax DS affirme systématiquement, avec plus ou moins d’ampleur, sa supériorité sur le CD 12. Avec le DS, on rentre plus facilement encore dans le morceau, on entend plus de choses alors que l’image stéréo oublie totalement le triangle stéréophonique pour remplir la pièce sans aucune forme de projection ou de dureté indésirable.
Curieusement, j’ai été moins impressionné par la différence entre un morceau stocké au format CD (16 bit / 44,1 kHz) et sa version 24 bits / 96 kHz que par la comparaison du même morceau joué par le CD 12 puis par le Klimax DS. La résolution supérieure est pourtant bien perceptible, alors que l’on gagne encore un peu en profondeur et en précision, notamment dans le haut du spectre. Mais le Klimax DS parvient à creuser un tel écart avec le signal extrait d’un simple CD que l’on en espérait un de même ampleur entre un format standard et la haute résolution d’un signal 24 / 96. Une expérience à réitérer lorsque les morceaux en Haute Définition serrons plus nombreux et plus diversifiés que les trois exemples qui étaient fournis avec l’appareil.
En conclusion
Sur le plan des performances, le Linn Klimax DS est une source musicale véritablement époustouflante, une réussite totale de plus à mettre au crédit d’un des meilleurs bureaux d’étude que compte l’industrie audio et certainement la source numérique la plus musicale qu’il m’ait été donnée la chance d’entendre.On pourra toujours critiquer l’approche élitiste du constructeur à l’heure où certains de ses concurrents moins prestigieux proposent des solutions à la fois plus souples et considérablement moins onéreuses à ceux qui souhaitent profiter de la dématérialisation du support. Mais si l’on s’en tient à la mission que lui a confiée ses concepteurs, à savoir proposer la meilleure source de musique numérique possible pour les années à venir, le Klimax DS est une machine sans réelle concurrence. C’est d’autant plus vrai depuis que le constructeur propose une interface utilisateur enfin digne de lui. Reste à soigner les utilisateurs de Macintosh, qui représentent un nombre important d’acheteurs potentiels de ce genre de machine sans concession.Reste qu’à travers le standard de communication UPnP, de nombreuses solutions sont désormais disponibles pour piloter le Klimax DS avec élégance,à commencer par l’iPhone.
Enfin, à tous ceux qui pensent que le prix du Klimax DS est outrageusement disproportionné, je rétorquerai deux choses : d’une part, ce lecteur d’un nouveau genre dépasse en qualité musicale tout ce que j’ai pu entendre à ce jour en termes de sources numériques sans compromis. En incluant des machines dont le prix égale ou dépasse largement celui du Klimax DS. D’autre part, le constructeur propose également deux solutions à la fois plus souple et moins onéreuse de cette plateforme à travers l’Akurate DS et le Majik DS.
Le Linn Klimax DS a été créé pour offrir le meilleur du numérique aujourd’hui et demain. Son architecture ouverte et ses capacités de conversion 24 bits / 192 kHz alliées à un système de stockage indépendant, le garantissent contre l’obsolescence qui pénalise à terme l’intégralité des sources numériques traditionnelles. Une démarche finalement assez proche de celle qui avait présidé en son temps à la création de la platine vinyle Linn Sondek LP-12… Une sacrée référence !
Spécifications constructeur :
- Dimensions (L x H x P) : 350 x 60 x 355 mm
- Poids : 10 kg
- Sorties analogiques : XLR et RCA
- Fichiers supportés : FLAC, WAV, MP3, AIFF
- Fréquence d’échantillonnage: de 7,35 à 192 kHz en 16-24 bits
- Protocole de contrôle: compatible avec le standard UPnP media server
- Interface Ethernet: 100Base-T RJ45
Je tiens à remercier Linn France et toute l’équipe d’Audio Synthèse pour m’avoir permis d’effectuer cet essais complet dans les meilleures conditions.