Test : Rega RP8

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Nouvelle venue dans la large gamme des platines Rega, le RP8 constitue une incursion remarquée dans le high end.

En 1977, un jeune homme baptisé Roy Gandy inventait une platine tourne-disque dont la simplicité assumée tranchait radicalement avec les habitudes alors en vigueur. À ses débuts, la Planar 3 fut d’ailleurs vilipendée parce qu’elle contrastait radicalement avec les habitudes du moment en matière de tourne-disque. Toutefois son succès ne se démentit jamais.

Aujourd’hui, avec la RP8, Rega utilise ni plus ni moins la même philosophie, transcendée par un important bagage technologique.

À l’exception de sa grande sœur RP10, la RP8 représente aujourd’hui la plus grande avancée de Rega dans l’évolution des platines. Faible masse, socle à rigidité élevée combiné à un moteur à contrôle électronique, et plateau à haut volant d’inertie bras… Voici quelques-uns des ingrédients de cette recette miracle.

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Selon Rega, les concepteurs proposent des théories qui vont à l’encontre des lois fondamentales de la physique, notamment le mythe très répandu de la masse élevée. Rega considère au contraire que la base doit être aussi légère que possible pour éviter que le bruit indésirable du palier et du moteur soit transféré au disque. Idem pour le plateau qui devient si lourd qu’il est impossible de concevoir un palier qui fonctionne correctement. Le plateau a certes besoin d’être d’un poids suffisant pour tourner à une vitesse constante, mais doit se situer dans les limites de tolérance du système de palier et d’entraînement choisis.

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Avec la RP8, Rega a poussé à son paroxysme la notion de faible masse pour les socles de ses platines. Une technologie qui se justifie pleinement, car les bruits indésirables se développent à des niveaux microscopiques à cause des vibrations générées par le moteur et le palier. Le socle peut aussi capter les vibrations sonores véhiculées par l’air ambiant.

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Un socle léger, compact et inerte se préminit aisément de ce type de pollutions mécaniques. De fait, celui de la RP8 est 7 fois plus léger que le poids de celui la Planar 3 originelle ! Le socle de la RP8 utilise un sandwich spécifique composé de deux feuilles de matériau phénolique enserrant un noyau en mousse de polyoléfine. En outre, Rega a ajouté encore plus de rigidité à un endroit crucial : entre le bras et le palier.

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Initialement embarqué sur la RP3, le système de double entretoise permet d’accroître la rigidité là où elle fait défaut. Sur la RP8, Rega a sensiblement amélioré le système en optant pour des matériaux différents au-dessus et au-dessous du socle. Le britannique a choisi du magnésium dessus et une résine phénolique en dessous (deux des matériaux les plus légers et plus rigides disponibles), car la différence de matière permet de diminuer la fréquence de résonance naturelle de l’autre par auto amortissement.
Cette conception empêche l’absorption de l’énergie vitale et, a contrario, la formation de résonances indésirables qui superposent des distorsions non naturelles au signal sonore.

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L’axe est usiné par un sous traitant, mais le foret est fourni par Rega. Évidemment, les tolérances sont extrêmement serrées. La bille placée au fond du puits offre le même degré de précision. L’ajustage du puits s’effectue de façon à ce que l’axe entre dans le palier grâce à une unique goutte d’huile hypoïde très visqueuse.

Pour le plateau, Rega a toujours opté pour le verre, matériau offrant des propriétés de résonances intéressantes (la distorsion est très rapidement évacuée). De plus le verre offre une planéité parfaite et est donc immédiatement équilibré. Le nouveau plateau de la RP8 est composé de trois differentes couches de verre collées les unes aux autres, une prouesse technique réalisée par une petite entreprise britannique spécialisée dans le travail du verre, avec laquelle Rega a entretenu un fructueux échange. Par conséquent ce plateau affiche plus de masse en périphérie, de manière à augmenter le volant d’inertie, et beaucoup moins au centre, sans nuire à sa rigidité.

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L’entraînement se fait via deux courroies de section ronde reliées à un moteur 24 volts à double phase synchrone contrôlé par une alimentation externe spécifique.

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La TT-PSU utilise un générateur d’ondes sinusoïdales d’une grande stabilité, verrouillé par quartz. Cela permet de générer une alimentation continue stabilisée basée sur un signal alternatif symétrique d’une très faible distorsion : moins de 0,05 %. Cette alimentation offre plus de couple, moins de pleurage et de scintillement.

Le bras Rega RB808 est composé d’un tube unique réalisé en métal injecté sous pression dans un moule spécifique. L’opération est très délicate et sa durée doit être maintenue à la milliseconde près pour que la précision dans le moulage soit respectée. Ce bras incorpore la coquille et les logements destinés aux roulements du pivot. Ces derniers sont réglés à la main avec un jeu nul et un frottement inférieur à 10 mg. Comme sur tous les bras, l’anti skating et la force d’appui sont les réglages disponibles.
La masse est reliée au blindage du canal gauche, ce qui permet de se passer du câble de masse habituel : voilà qui s’avère très pratique.

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La coquille comporte un troisième orifice destiné à une vis de fixation supplémentaire comme le prévoit l’Elys, l’Exact et l’Apheta. Ce dispositif améliore sensiblement la rigidité et le couplage mécanique entre la cellule et la coquille.

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L’espace disponible dans le corps d’une cellule Rega est compté. L’entrefer (espace aimant/pôles) est donc réduit ce qui permet d’augmenter le rendement électromagnétique. Cela favorise la réduction du nombre de tours des bobines. Les tolérances sont, de ce fait, hyper serrées et la moindre déviation d’ordre mécanique peut créer des dysfonctionnements sonores. La troisième vis assure donc le couplage mécanique nécessaire et vital.

Analyse sonore

Nous avons procédé à nos essais avec deux cellules à bobines mobiles, la Rega Apheta, et la Dynavector DV20 X2, et avec deux préamplificateurs phono, le Rega Aria et le VM PHM4.

Ces essais croisés nous ont permis de bien cerner la personnalité de la platine.

La RP8 est un drôle d’animal qui nous surprend toujours lorsque l’on ne s’y attend pas. Les premières minutes d’écoutes nous ont permis de vérifier à quel point Rega domine son sujet. Sur des disques aux styles très différents, les mélodies s’enchaînent avec une belle aisance, et une aptitude marquée à parfaitement différencier les prises de son. Indéniablement, « on y est ». Les clubs de jazz sonnent comme des clubs de jazz, et les scènes de rock, comme des scènes de rock. La reconstruction d’un cadre sonore précis s’effectue sans peine, sans heurts, et avec une évidente crédibilité. La sensation d’espace (que le lieu soit confiné ou spacieux) est bien en phase avec le disque. Et surtout, les musiciens sont physiquement présents.

Mais là où la RP8 vous cueille sans prévenir, et vous scotche sur place, c’est par son aptitude à accélérer lorsque l’on n’y croit plus, et à « sortir les watts » sur le coup de caisse claire, ou la petite percussion. Ça vous ne l’aviez pas vu venir. Parce qu’avec beaucoup de platines, la vigueur reste collée dans le vinyle. La RP8 possède ce sursaut d’énergie vitale qui rend la musique enregistrée tellement plus vivante. Cette vertu typiquement Rega (la Planar 9 nous en avait donné un très bel avant-goût) est superbement optimisée sur la RP8. C’est une qualité que l’on trouve généralement sur les platines tourne-disque d’un tarif supérieur.

Cette grande force de communication musicale, la RP8 y parvient parce que Rega s’est évertué à abaisser drastiquement le bruit de fond. D’ailleurs lorsque l’on branche la platine à un système et que l’on monte le niveau, on est frappé par la « propreté » du signal qui sort des enceintes. On croirait presque une source numérique, tant la musique n’est pas affublée de souffle.

Ce prodigieux rapport signal/bruit induit d’inévitables répercussions sur les performances de la RP8. La bande passante est large, et l’extension inférieure, comme supérieure du spectre restitué, est assez remarquable. Même si sa prestation sonore n’est pas « spectaculaire », au sens péjoratif du terme.

Le grave est d’une très belle densité sur une contrebasse, comme sur de l’Aphex Twin. Le médium offre un modelé extrêmement séduisant et infiniment naturel. Quant à l’aigu, il propose ce grain inimitable, à la fois délicat et terriblement présent.

Si aujourd’hui, le britannique n’a plus à faire ses preuves sur le terrain du numérique ou de l’amplification, c’est bien sûr les terres de l’analogique qu’il nous surprend le plus.

Positionnement hiérarchique

Nous connaissons bien les platines Rega, et depuis longtemps, les Planar 3 et 9 ayant longuement habité nos étagères. Ce sont des platines éminemment musicales, vertu que personne ne songerait à leur contester, mais également très faciles à vivre. Cela dit, il existe aujourd’hui une offre « analogique » tellement pléthorique, qu’il peut être aisé de se faire tenter par un autre produit.
L’arrivée de la RP8 sur le marché sonne donc un peu comme une remise des pendules à l’heure. Avec ce produit, Rega semble avoir la ferme intention de réaffirmer qui est le patron !
Pourquoi une telle accroche ? Parce qu’à 2200 € (sans cellule) le client potentiel d’une RP8 acquiert une impressionnante somme de technologie et de performance pour une somme finalement loin d’être indécente. Surtout face à la concurrence. Il va falloir se gratter la tête pour trouver mieux au même prix…

Les chiffres

  • Prix : 2200 € sans cellule

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