Test : serveur WideaLab Aurender S10

Aurender

LE drive de la musique dématérialisée

par Antoine Gresland

Prix : 5990 euros
Durée du test : trois semaines

Avec l’avènement de la musique dématérialisée et des fichiers haute définition, on aurait pu croire que les problèmes liés à l’exploitation sans concession de l’information musicale étaient derrière nous. En l’absence de support physique, la copie « bit à bit » d’un CD – pour peu qu’elle soit effectuée à l’aide d’un programme adapté – ou l’enregistrement d’un fichier audio sur un disque dur garantissent en effet l’intégrité du message. Mais les premiers utilisateurs de ces fameux fichiers audio se sont bien vite rendus à l’évidence : il ne suffit pas d’installer sa musique dans une bibliothèque iTunes pour obtenir un rendu sonore digne des meilleurs lecteurs CD audiophiles. Même débarrassé du problème de l’extraction de l’information, on retrouve en effet sur un serveur constitué d’un ordinateur relié à une carte son ou à un DAC externe les mêmes problèmes de mise en forme du signal, de jitter, de filtrage, de qualité des alimentations, de vibrations parasites et bien entendu de qualité de conversion numérique – analogique, que sur un lecteur CD traditionnel. Dans ce contexte, deux solutions s’offrent aux mélomanes exigeants qui cherchent la meilleure source possible pour exploiter sa discothèque dématérialisée sans se prendre la tête : la solution du lecteur réseau relié à un périphérique de stockage externe (disque dur NAS ou ordinateur personnel) ou celle d’un serveur équipé de son propre stockage, relié à un convertisseur N/A séparé.

C’est la solution retenue par le constructeur coréen WideaLab avec l’Aurender S10, un transport dématérialisé muni d’une interface utilisateur propriétaire, qui a l’avantage de réduire la configuration du système au strict minimum, tout en laissant l’auditeur libre du choix de son DAC aujourd’hui et demain. WideaLab Incorporated est un bureau d’études spécialisé dans la recherche et le développement de produits audio appartenant à Wonik Corporation, une société tentaculaire, cotée en bourse en Corée, dont les ramifications s’étendent dans de nombreux domaines, de l’électronique grand public à la construction, en passant par la finance ou les technologies de la santé. Les ingénieurs fondateurs de WideaLab viennent tous de ce vivier et chacun d’entre eux possède au moins dix ans d’expérience dans le développement de produits audiovisuel. Son président, Harry Lee, fut d’ailleurs le patron du constructeur DViCO qui s’est fait une place enviable dans le monde des disques durs multimédia ces dernières années.

Un transport haut de gamme destiné à la musique dématérialisée

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Qu’on le veuille ou non, l’esthétique et la qualité de fabrication d’un appareil participent au plaisir d’utiliser un système hi-fi de haut de gamme. Les ingénieurs de WideaLab l’ont bien compris au moment de dessiner le coffret de l’Aurender, constitué de plaques d’aluminium de forte épaisseur encadrant deux radiateurs anodisés noirs sur les côtés de l’appareil. On tombera surtout sous les feux de son magnifique écran AMOLED (Active Matrix Organic Light Emitting Diode) offrant trois modes d’affichage : deux vumètres, bleus ou oranges, pour suivre la dynamique du signal, et un mode texte qui laisse apparaître à travers un miroir sans tain les informations, artiste, numéro de piste, format du fichier, résolution du signal et fréquence d’échantillonnage du morceau que l’on est en train d’écouter. Un petit clavier situé à droite permet de commander les fonctions de lecture de base et le mode d’affichage de l’appareil, mais il faudra recourir à l’interface utilisateur propriétaire installée sur un iPad pour accéder à l’ensemble de ses fonctions.

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Les yeux orange ou bleus de l’Aurender S10 offrent une souplesse et une douceur de fonctionnement dignes d’un vumètre analogique ! On peut également afficher sur son écran AMOLED tous les renseignements utiles du morceau que l’on écoute, décider de sa luminosité, voire l’éteindre complètement, depuis la commande de façade ou l’interface de l’iPad.

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L’arrière de l’Aurender S10 est tout aussi épuré, mais propose tout le nécessaire pour rejoindre un convertisseur numérique en AES/EBU, en optique (TosLink) et en coaxial S/PDIF, avec un flux de données compris entre 16 bits – 44,1 kHz et 24 bits – 192 kHz. Deux ports informatiques, Ethernet et USB, sont également disponibles pour rejoindre le réseau local, une clé ou un disque dur externe afin de charger les fichiers musicaux sur son disque dur interne de 2 To. À noter que le port USB permet également de récupérer le signal numérique. Pour l’instant, l’Aurender S10 ne peut pas lire de musique en streaming directement depuis un disque dur NAS, mais le constructeur réfléchit à la question.

L’intérieur de l’appareil dénote la même qualité de fabrication, avec des compartiments séparés par d’épaisses plaques d’aluminium pour les alimentations et l’étage de sortie situés en mezzanine, et la partie informatique de gestion et les organes de stockage à l’étage en dessous. À signaler que les radiateurs latéraux suffisent à refroidir l’appareil et permettent de se passer avantageusement d’une ventilation bruyante.

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Sur le plan technique, l’Aurender S10 exploite une version customisée à l’extrême du système d’exploitation Linux, optimisée pour le traitement numérique haute performance des signaux allant du 16 bits – 44,1 kHz au 24 bits – 192 kHz. Pour l’instant, l’Aurender se contente de lire la crème des formats de fichiers audio non compressés (AIFF, WAV) ou compressés sans perte (FLAC et Apple Lossless), mais d’autres formats seront bientôt compatibles avec la machine, grâce à des mises à jour régulières.

Audio234-Aurender-horloge2Le concept de l’Aurender, vous l’aurez sans doute compris, est de réduire à portion congrue toute forme de perturbations indésirables et de réduire le jitter au point de rendre son effet négligeable sur le signal. À cet effet, les ingénieurs de WideaLab utilisent d’abord une horloge de très haute précision OCXO (Oven Controlled Crystal Oscillators ou oscillateur à quartz thermorégulé) : une technique de fabrication utilisée pour éviter que les changements de température n’affectent la fréquence de résonance du quartz piézoélectrique. Une horloge OCXO coûte chère à fabriquer, mais elle offre une précision 10 000 à 100 000 fois supérieure à une horloge à quartz traditionnelle, lorsqu’elle est associée à un programme de reclocking propriétaire comme celui que l’on trouve dans l’Aurender S10. Pour donner sa pleine mesure, ce programme de synchronisation et son horloge de course sont associés à un système original composé d’une part d’un disque dur de forte capacité (2 To) pour stocker la discothèque, et d’autre part d’un disque SSD (Solid State Drive) de 64 Go, c’est-à-dire de la mémoire flash dépourvue de pièce mobile offrant des temps d’accès quasi instantanés. Ainsi, lorsque l’on ajoute un morceau ou un disque à la liste de lecture, l’Aurender S10 les place en cache dans la mémoire flash à l’aide d’une technologie propriétaire, puis stoppe la rotation du disque dur conventionnel, évitant toute vibration ou perturbation électromagnétique indésirable. On atteint ainsi un degré d’immunité au moins équivalent à celui prodigué par un disque dur externe de type NAS, sans les problèmes de latence qui caractérisent toute forme de mémoire mécanique. Avantage supplémentaire : la mémoire SSD de 64 Go permet de stocker 180 albums au format FLAC et encore près de la moitié en WAV, ce qui évite de solliciter le disque dur, prolongeant d’autant sa durée de vie théorique. Le constructeur conseille tout de même de faire une copie intégrale de ses fichiers à part. Une précaution qui tombe sous le sens !

Enfin, en matière d’énergie, WideaLab utilise à la fois une alimentation à découpage isolée, grâce à des cloisons en aluminium pour éviter toute forme de pollution, et une alimentation linéaire conventionnelle pour les composants les plus sensibles.

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Mise en œuvre et utilisation : la simplicité même !

Je n’ai rien contre les PC et moins encore contre les Mac, dont je suis un utilisateur assidu 10 heures par jour, mais le contact avec un serveur tel que l’Aurender S10 n’a rien de comparable quant au plaisir et à la convivialité, surtout si la télécommande prend la forme d’un iPad. D’un iPad et rien d’autre, puisque le programme conçu par WideaLab pour piloter l’Aurender est spécifiquement destiné à la tablette d’Apple. On pourra discuter longuement de l’opportunité d’une telle exclusivité, ou même du fait que le constructeur coréen oblige implicitement l’acheteur à investir dans une télécommande à 500 euros, qu’il ne fournit pas avec un appareil vendu près de 6000 euros. En attendant, le résultat est là : une interface utilisateur d’une rare convivialité, à la fois souple et intelligente, évolutive de surcroît, grâce à la réactivité avérée des ingénieurs du constructeur qui ont bien compris que ce petit programme représentait la meilleure chance de leur machine de séduire un public qui préfère écouter de la musique que de configurer un système d’exploitation informatique.

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L’interface iPad offre une recherche rapide dans la discothèque par Morceau, Artiste, Genre, Compositeur ou Conducteur (bien vu pour les amateurs de classique). Il est bien sûr possible de créer des listes de lecture et de les enregistrer facilement, ou de voir en gros plan la pochette ou son dos d’un tapotement de doigt.

Car, il faut le dire : la mise en œuvre de l’Aurender est d’une simplicité biblique. Non seulement le manuel en français guide l’utilisateur pas à pas dans l’installation de l’appareil, mais cette dernière ne prend que quelques instants. Le temps de relier l’Aurender au réseau via un câble Ethernet, de télécharger d’un clic l’application iPad depuis l’App Store, de saisir le mot de passe affiché par l’appareil dans l’interface de l’iPad afin de les jumeler et d’introduire son adresse IP dans la fenêtre prévue à cet effet sur un PC ou un Mac, si ce dernier ne la trouve pas tout seul.

Dès lors, la copie des fichiers musicaux dans l’Aurender se fait comme sur n’importe quel disque dur, d’un simple glisser-déposer. À moins que vous ne préfériez connecter une clé ou un HDD directement au port USB, ce qui entraînera automatiquement la copie des informations sur sa mémoire interne. Il est même possible d’y relier un lecteur de CD-ROM en USB, car le S10 est également capable de ripper vos albums lui-même au format FLAC, et d’aller chercher pochettes et informations supplémentaires sur la base de données FreeDB disponible sur Internet.

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L’indexation et la mise à jour de la base de données de l’Aurender sont particulièrement rapides et l’appareil se charge même d’avertir l’iPad des changements effectués pratiquement en temps réel. La réactivité de cette liaison bidirectionnelle est vraiment remarquable, et fiable de surcroît. En trois semaines, le programme est resté d’une parfaite stabilité, ce qui est loin d’être toujours le cas.

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À l’écoute : le carton plein !

Alors, alors ? ! Ils étaient quelques-uns autour de moi à attendre mes premières impressions d’écoute de cette belle machine à l’interface utilisateur si réussie. Mettons fin au suspense tout de suite : sur le terrain, l’Aurender S10 est un killer ! Je n’ai jamais entendu sur notre système de référence de transport capable de délivrer un tel niveau de performance. Pour dire les choses autrement : il faudrait être sérieusement contre la dématérialisation du signal pour dépenser autant, voire plus dans une machine tournante, pour peu que l’on soit équipé d’un convertisseur N/A de qualité. Bien sûr, je n’ai pas écouté tous les drives du marché, mais même en admettant qu’il en existe de meilleurs que ceux, déjà deux à quatre fois plus chers, que l’Aurender, qui sont passés dans notre auditorium ces dernières années, il s’agit de machines totalement hors de portée du commun des mortels.

Avec l’Aurender, chaque convertisseur N/A peut donner sa pleine mesure, c’est aussi simple que ça ! On entend tout, dans le bon ordre, avec une précision redoutable de la scène sonore et une liquidité qui se rapproche très clairement d’une lecture analogique, dans le même esprit qu’un transport CEC TL1 N VM qui reste pour moi une machine exceptionnelle. Relié au Nagra VI, on retrouve cette matérialité, une sensation d’épaisseur qui tranche avec une transcription numérique un peu aseptisée. Quels que soient le genre musical, la complexité du message et sa dynamique, l’ensemble ainsi constitué fait preuve d’une définition remarquable des plans sonores et des réverbérations qui la constituent, signe d’un timing parfaitement respecté. Associé au Nagra VI, l’Aurender se montre ici largement à la hauteur de la sortie numérique du Linn Akurate DS II qui nous sert de référence, et fait bien mieux que le transport universel MSB UMT que nous testons simultanément à la fois en tant que transport conventionnel et lecteur réseau, avec une richesse de timbres, une modulation et une profondeur de la scène sonore époustouflante. La sortie coaxiale de l’Aurender apparaît même un peu plus précise que celle de l’Akurate DSII, mais il faudra une écoute attentive pour les départager. En revanche, je n’ai pas pu les comparer en AES/EBU, un standard de sortie dont le Linn ne dispose pas.

CD-Dire-Straits-BrothersInArmsSur l’album de Dire Straits Brothers in Arms remastérisé, le duo Aurender – Nagra parvient à me donner la chair de poule, tant on a l’impression d’être dans l’intimité de Mark Knopfler et de sa guitare. Alors que le Linn Akurate DS utilisé en intégré met l’accent sur la modulation et le rythme, le couple Aurender – Nagra rend les interprètes un peu plus présents, plus proches de l’auditeur. Une présentation légèrement différente de la musique qui fera que l’on préférera l’une ou l’autre écoute en fonction des morceaux. On est ici dans la subjectivité plus que dans l’analyse strictement objective, tant les différences se font dans la nuance, en fonction des paramètres de la restitution que chaque auditeur privilégie. Ce que l’on peut dire sans se tromper, c’est que ce serveur dispose d’une sortie numérique exceptionnelle, capable d’adresser un signal irréprochable au convertisseur. La densité et la sensation de présence naturelle que le duo arrive à donner à la voix de Paul sur le « Because » de l’album Love des Beatles est vraiment troublante. Bien entendu, le rendu sonore de l’Aurender varie en fonction du convertisseur et du câble qu’on lui associe, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on n’a jamais l’impression de manquer d’informations ! CD-Beatles-LoveLe système de décompression des fichiers Lossless du S10 est aussi au top, au point qu’il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de faire la différence en aveugle entre le WAV d’un CD et son équivalent FLAC compressé sans perte, pour peu que le logiciel qui s’est occupé de préparer le fichier ait bien fait son travail. On entend en revanche très bien la différence entre le 16 bits – 44.1 kHz du CD et le 24/88.2 ou 24/96 d’un fichier master, et nous sommes impatients de pouvoir disposer d’une telle définition sur des albums d’un certain âge, qui attendent d’être remastérisés à partir des bandes originales.

CD-WeckmanSur l’album Abendmusiken du compositeur baroque Matthias Weckman, le master 24 bits – 88,2 kHz fait ainsi le trou sur son homologue 16 bits – 44,1 kHz issu du CD du commerce, pourtant remarquablement restitué. L’Aurender et le Nagra parviennent à faire ressortir chaque nuance de l’enregistrement, tout en proposant un naturel confondant dénué de toute surdéfinition numérique. Les voix sublimes et le grincement des cordes baroques apparaissent totalement intégrés à l’ensemble, grâce à une définition des timbres exceptionnels. On est bien loin de l’informatique !

En conclusion

Le serveur WideaLab Aurender S10 doit être considéré comme l’un des meilleurs transports du marché ! Une machine magnifiquement réalisée, dotée de l’interface utilisateur la plus intuitive et conviviale que l’on puisse imaginer. Avec son disque dur de 2 To intégré et sa mémoire cache de 64 Go, elle offre à la fois la souplesse et les performances que l’on attend d’un serveur audiophile, tout en laissant à l’auditeur le choix de son convertisseur N/A aujourd’hui et dans le futur. Une solution pérenne, évolutive et conviviale qui se pose comme une alternative incontournable à ceux qui souhaitent passer à la musique dématérialisée sans passer par un lecteur réseau à priori moins évolutif. Après, c’est une histoire de budget et de priorités, mais ses sorties numériques permettent de tirer le meilleur parti d’un convertisseur externe sans sacrifier le plaisir d’utiliser une source musicale de haut de gamme.

Spécifications

  • Sorties numériques : 1 AES/EBU, 1 coaxial, 1 optique
  • Entrées : 1 Ethernet LAN, 2 USB
  • Contrôle : via iPad et façade
  • Mémoire de masse : 1 disque dur de 2 To
  • Cache SSD : 64 Go
  • Formats supportés : WAV, FLAC, Apple Lossless et autres (sic !)
  • Dimensions : 430 x 96 x 353 mm
  • Poids : 14 kg

 

Système d’écoute : sources : drive C.E.C TL51 Van Medevoort, enregistreur Nagra VI (utilisé en tant que convertisseur N/A et lecteur de fichier), lecteur réseau Linn Akurate DSII ; préamplificateurs : Linn Klimax Kontrol ; amplificateur : Karan Acoustics KSA 450, Brinkmann Mono ; enceintes : Linn Akurate 242, Cabasse Pacific 3 SA , ProAc Response D2 ; câbles de modulation : Cardas Golden Cross asymétrique, Esprit Eterna Linn Silver Interconnect symétrique ; câble numérique : Esprit Eterna AES-EBU, MPC Audio Absolute coaxial ; câble HP : MPC Audio Abysse, Linn K400 ; accessoires : pieds HRS Nimbus et Millennium M-Puck et plaquettes amortissantes HRS Damping Plate MK II, barrette et câbles secteurs : Neodio PW1 et PCO, Fa Dièse Soprano et Mélodie II, Esprit Manta