Pour l’audiophile patenté (comme moi), une bonne dose de détachement est nécessaire pour accepter l’idée de suspendre ses enceintes au mur comme un tableau. Mais pour le mélomane à l’approche plus pragmatique, l’idée de recouvrer l’espace vital jusqu’alors colonisé par de volumineuses colonnes est une perspective des plus réjouissantes. Et qui sait ? Peut-être convaincra-t-il son ami audiophile… Mais pour y parvenir, il faut que le son soit à la hauteur ! C’est là que la série Tribe intervient…
Totem est un constructeur anticonformiste, les amateurs de la marque canadienne l’auront tout de suite remarqué. Son offre, aujourd’hui pléthorique, mais toujours très circonstanciée, tranche avec la majeure partie de la production mondiale en matière d’enceintes acoustiques. En effet, hormis un choix important de finitions, les Totem sont généralement compactes et discrètes. Aussi, en comparaison avec la concurrence, elles peuvent sembler plus chères. Mais c’est en grande partie parce que dans une Totem, l’argent est principalement investi là où cela ne se voit pas, c’est-à-dire là où cela fait une grande différence à l’écoute…
Pour arriver à cette alchimie totalement maîtrisée, Totem construit lui-même ses coffrets, car selon le Canadien, la « boîte » participe dans une proportion prédominante au résultat final. Pour être totalement indépendant en la matière, Totem a créé ManiTech, une entité spécifique indépendante d’une dizaine de personnes.
Sur la Tribe II, comme sur toutes les Totem, le constructeur applique une formule de base : un ratio entre largeur, hauteur et profondeur, mais avec des angles internes variant de quelques degrés les uns par rapport aux autres. Ce dispositif induit un décalage qui empêche les ondes stationnaires de se reproduire de façon parallèle. Selon les endroits, le MDF (Medium Density Fiberboard) utilisé présente une densité différente (de 70 à 90 %). Cette hétérogénéité contrecarre la répétition des fréquences de résonance. Les angles sont assemblés en double S, une technique très précise qui implique un assemblage simultané des six parois. Le coffret est plaqué extérieur comme intérieur, puis le volume interne est traité par l’application d’une couche de borosilicate, un composé qui transforme l’énergie vibratoire en chaleur.
La Tribe II utilise deux petits woofers de 13 cm en parallèle. Leur membrane est en polypropylène et leur moteur comprend un assemblage d’aimants néodyme puissants et légers. Le tweeter est un modèle à dôme textile souple. Cette deux voies utilise un filtre du premier ordre dont la fréquence de coupure se situe à 2,2 kHz. Il est très qualitatif, monté en l’air avec des soudures à l’argent, et comprend des condensateurs à feuilles d’or et d’argent Mundorf Supreme ! Le bornier autorisant le bicâblage est composé de quatre bornes vissantes dorées de bonne qualité.
La charge est de type bass-reflex optimisée avec deux petits évents circulaires placés au-dessus et en dessous du coffret. D’ailleurs la Tribe II est une enceinte facile à alimenter grâce à une impédance douce et stable de 6 ohms. Nantie d’une bonne puissance admissible, elle autorise des crêtes de 110 dB sans broncher…
Les grilles sont fixées à l’aide d’un système magnétique pratique. L’ingénieux système de fixation murale antirésonant est costaud et conçu pour procurer une excellente stabilité mécanique.
Analyse sonore
Ecoutées à tour de rôle au sein de deux systèmes (Hegel CDP2 + Hegel H1, puis Atoll CD100 + Krell KAV 400 xi), ces enceintes se sont avérées très polyvalentes et aisément « drivables ». Telles qu’elles, sans le moindre apport, elles développent une bande passante extrêmement réaliste, comparable à celle d’un monitor de très bonne qualité. Dans un second temps, dans une pièce d’écoute plus spacieuse, nous avons utilisé un petit caisson de grave Totem Dreamcatcher Sub pour renforcer la réponse dans les basses octaves.
Une chose est sûre, la « disparition » physique des enceintes de la pièce procure une sensation d’étonnement lorsque les Tribe II commencent leur vigoureuse prestation : d’où peut provenir un son d’une telle stature, ne peut-on manquer de s’interroger ? La musique se déploie sans effort dans toute la pièce avec une magnifique cohérence, et la sensation de présence qui en émane est extrêmement agréable. Contrairement aux idées reçues, l’image est bien agencée, et la sensation de profondeur n’en est pas le moins du monde altérée. Car la Tribe II a été conçue pour utiliser le mur, qui devient un élément à part entière de la charge acoustique.
La réponse en fréquence est convaincante, avec une reproduction nerveuse, alerte et absolument pas tronquée (dans la mesure où le caisson est correctement réglé). On retrouve l’équilibre tonal cher à Totem : beaucoup de douceur et de fluidité dans les timbres. L’aigu est très bien intégré, le médium est palpable, mais délicat, le grave est tendu et tonique.
La Tribe II offre une écoute très humanisée, sensuelle, absolument pas « intellectuelle » ni désincarnée. Avec elle, la fatigue auditive n’est pas à l’ordre du jour.
Notons enfin une vertu qui nous a considérablement séduits, une fois bien installées, les Tribe II proposent une image très stable, quel que soit l’endroit où l’on se trouve dans la pièce. Avec des colonnes conventionnelles, c’est loin d’être la règle !
Installation
Ce n’est pas du « plug and play », mais nous n’en sommes pas loin. Les Tribe II sont livrées avec un support simple et solide, et un gabarit de montage. Un bricoleur même dilettante pourra réaliser l’installation en moins d’une heure. Et cacher les câbles grâce à d’élégantes impostures visuelles comme celles de Koziel (www.artigala.com). Laissez libre cours à votre génie créatif ! En revanche, dans le cadre d’une installation, il sera encore plus facile de dissimuler les câbles dans les murs.
Positionnement hiérarchique
Ne comparons pas les Tribe II à d’autres enceintes murales (dans ce créneau seules les Jean-Marie Reynaud EMP Nano sont dignes d’intérêt), mais plutôt à des enceintes conventionnelles. Les canadiennes sont de redoutables jouteuses et leur statut de « murales » ne doit en aucun cas les déprécier à vos yeux. Si elles entrent dans votre budget, vous devez les considérer au même titre que des colonnes ou des monitors sur pieds. Sur un plan strictement hiérarchique, elles se situent en haut du panier de leur tranche tarifaire. Dans une petite pièce, elles se suffiront à elles-mêmes ; donc pas de caisson. Mais optez pour une électronique de qualité, elles le méritent. Donc, minimum du minimum, un Naim UnitiQute ou un ensemble Van Medevoort 250. Dans une pièce plus spacieuse, avec ou sans caisson, vous pouvez vous laissez aller en termes d’électroniques. Le Krell utilisé lors de notre seconde séance d’essais l’illustre aisément, mais on peut encore grimper plus haut !
Les chiffres
Tribe II
Prix : 2 520 euros la paire
Dimensions : 150 x 735 x 89 mm
Poids : 8,2 kg
Compatibilité écran plat : 50 à 55 pouces
Réponse en fréquence : 50 Hz à 25 kHz ± 3 dB
Rendement : 88 dB
Impédance : 6 ohms
Puissance recommandée : 30 – 110 W
DreamCatcher Sub
Prix : 1 120 euros
Dimensions : 195 x 257 x 270 mm
Puissance : 200 watts